Bienvenue dans le pire des mondes : un essai accablant sur la société (éd. Plon)
Bienvenue dans le pire des mondes… Une lecture qui ne s’annonce pas des plus gaies mais puisque les Français sont réputés pour leur pessimisme (vérification faite par le succès du Suicide français d’Eric Zemmour avec une estimation du Figaro à plus de 330 000 exemplaires vendus), alors honorons notre réputation ! Et puis simplement, parce que vous avez peut-être ce sentiment diffus qu’effectivement, tout ne va pas pour le mieux. Sentiment que s’applique à contredire quotidiennement élites et politiques avec des discours rassurants mais de moins en moins convaincants. Alors, si vous n’avez pas peur des diagnostics sévères, plongez-vous dans ce livre.
Natacha Polony et le Comité Orwell appellent au banc des accusés presque tous les pans de la société. Pour eux, c’est assez simple, rien ne va plus. En revanche – désolé Madame Thatcher – « There is alternative ». Celle de changer de système plutôt que d’essayer de le rafistoler jusqu’au naufrage. Les auteurs se décrivent comme des personnages médiatiques au discours discordant mais il faut bien dire qu’ils ne sont plus muselés et que, sans être une majorité, de plus en plus d’éditorialistes suggèrent cette solution drastique pour remettre la France sur pied.
Des sujets intouchables mais pas irréprochables
Certes, nous sommes en pleine chute…
Le principe de l’ouvrage est donc de remettre en cause des acquis indiscutables de notre société moderne – la démocratie, le capitalisme, la culture dominante… Autant de sujets normalement intouchables car considérés comme des progrès. Leur méthode systématique de remise en question pourrait faire devenir paranoïaque. Une méthode qui fait penser que tout, absolument tout est biaisé par la culture et l’élite dominante. L’intonation du livre pourtant, n’est pas défaitiste mais alarmiste : certes, nous sommes en pleine chute, mais nous avons toujours la possibilité d’attraper la corde. Ca brulera les doigts mais ça ne nous tuera pas.
Qu’est-ce qui ne va pas au juste ? Commençons par le commencement : l’éducation. Dévoyée de son chemin initial, elle ne servirait plus à acquérir des connaissances mais des compétences pour assurer la future employabilité de notre jeunesse. Un cursus donc de plus en plus déterminé par les entreprises et le système économique dans lequel elles évoluent. Pas de chance nous explique le livre, ce système est mauvais jusqu’à la moelle. Hausse des inégalités, règne de la finance, économie de la compétition…
Le piège du soft totalitarisme
Le soft totalitarisme […] a également pris la forme d’un règne de la bien-pensance
Mais si les dégâts sont si flagrants, pourquoi ne les voyons-nous pas ? Parce que dans ce nouveau monde qui est le nôtre, germerait une mauvaise plante rampante : le soft totalitarisme. Concept-clé de ce livre, le danger vient de son invisibilité. C’est un totalitarisme, nous disent-ils, qui a pris par la main tous les hommes, les a déresponsabilisé et les a biberonné à la consommation pour éviter toutes récriminations. Il a ensuite eu la voie libre pour décider à notre place. Il a également pris la forme d’un règne de la bien-pensance en marginalisant et huant toutes pensées divergentes.
En creux ou explicitement, Bienvenue dans le pire des mondes trace ce portrait désillusionné et si dur de notre société. Certaines avancées sont pourtant certaines non ? La lutte contre le racisme, l’égalité, la mondialisation… « Vous vous trompez, changez votre angle de vue », semble-t-il indiquer.
La véracité des arguments de Bienvenue dans le pire des mondes pourra être discutée, son diagnostic également mais ce livre est le symbole d’une tendance, d’un grondement qui s’entend dans les urnes notamment puisqu’il n’y a pas beaucoup d’autres moyens d’entendre la voix du peuple. Quelque chose ne va pas non ?
Jour après jour, le monde s’installe dans une société totalitaire de moins en moins démocratique et le champ de nos libertés individuelles se rétrécit sérieusement. Exemples à l’appui, le Comité Orwell a choisi de dénoncer les dérives de nos sociétés. Parce qu’il y a peu de chances qu’un candidat à la présidentielle de 2017 se saisisse de ces sujets, alors qu’ils sont les seuls qui vaillent, les seuls qui déterminent la capacité à agir – ou la totale impuissance – du futur Président.
A Pékin, Moscou, Ankara ou Ryad, des oligarchies confisquent le pouvoir au nom du parti communiste, de la Sainte Russie, d’Allah. Cela, c’est l’image que la très grande majorité des médias occidentaux diffuse pour éviter de devoir balayer devant leurs portes. Car le même phénomène est à l’oeuvre en Occident, dans ce que l’on appelle encore les démocraties occidentales.
George Orwell, imprégné des horreurs du nazisme et des dérives du communisme, avait dépeint, dans 1984, ce que pouvait devenir notre quotidien dans un monde régi par un totalitarisme absolu. A contrario, le seul rempart contre de telles dérives reposait sur l’idéal démocratique et ses quelques libertés fondamentales.
Or, insensiblement, nos sociétés que l’on croyait démocratiques le sont de moins en moins. Nous basculons dans un totalitarisme mou.
Quel est ce système ? C’est celui ou, grâce à la technologie et au contrôle des flux financiers et commerciaux, quelques dizaines de multinationales, la plupart américaines, entendent organiser, orienter, régenter notre vie quotidienne. Pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur ? C’est effectivement ce que nous ont apporté ces nouvelles technologies : smartphone, Internet, nano technologies, progrès de la médecine… Le pire ? C’est le nivellement par le bas, la société du tweet, la surveillance, la captation de notre argent, la normalisation de nos goûts, l’uniformisation de nos besoins. Le pire, c’est aussi que cette dérive se fait souvent avec le consentement de ceux qui en sont victimes… sans s’en rendre compte.
Le champ de nos libertés individuelles se rétrécit sérieusement et un jour, peut-être pas si lointain, nos fiches détaillées nourries des milliers de données récupérées par les multinationales, seront mises au service d’un système totalitaire de moins en moins soft.