BlacKkKlansman, un portrait sans concession de l’Amérique actuelle

BlacKkKlansman, un portrait sans concession de l’Amérique actuelle

Blackkklansman, film de Spike Lee, Copyright Universal Pictures International France

Si le réalisateur Spike Lee a été autrefois prolifique tant au niveau de la quantité que de la qualité, son flux créatif s’est quelque peu tari depuis une décennie, comme a pu le montrer l’adaptation tout juste moyenne et dispensable du classique coréen Old Boy. L’espoir revit avec la récompense cannoise décernée à BlacKkKlansman, film adapté d’une histoire vraie qui surfe autant sur le réalisme que la comédie. Car le héros Ron Stallworth (John David Washington, fils de Denzel apparu lui-même plusieurs fois chez le réalisateur notamment dans Malcolm X) a pu réellement infiltrer le Klu Klux Klan au début des années 70 en s’aidant d’un collègue blanc tandis que lui échangeait par téléphone avec les responsables locaux et nationaux. Le film n’invente rien et sa grande force réside notamment dans un rythme fait de manipulation et d’ambiguïté. Car le flic noir joue au raciste blanc tandis que le flic blanc prend la place du flic noir pour simuler le raciste blanc. La duplicité se rapproche d’une forme de schizophrénie voire de paranoïa tant les personnages blancs et les personnages noirs semblent en conflit perpétuel. Avant un épilogue au réalisme furieux exhibant les manifestations récentes du KKK (en 2017!!!) face à leurs opposants avec son lot de victimes collatérales. Et là, il n’y a vraiment plus matière à rire. Le portrait brossé de l’Amérique du début des années 70 ressemble étrangement à celui de l’Amérique actuelle, et là, le malaise est véritablement perceptible dans la salle.

Une comédie qui fait rire jaune

BlacKkKlansman parvient à faire rire et sourire, mais est-ce finalement là le plus important dans ce film volontairement revendicatif et si proche de la situation de l’Amérique actuelle? Spike Lee ne se gêne pas pour rouler dans la gadoue tous ces rednecks férus de suprématie blanche, avec un Adam Driver diablement mal à l’aise pour donner le change. Car lui le flic blanc fait équipe sur le terrain avec son collègue noir pour infiltrer l’antenne KKK locale de Colorado Spring et prévenir tout risque d’attentat. Car les bouseux en ont aussi peu dans la caboche que leur haine vis à vis des noirs ou des juifs est ancrée dans leur psyché. Spike Lee constate, pointant du doigt une vieille manie américaine blanche, entretenue par des films et des discours ambigus. En montrant des soldats exclusivement blancs de la guerre de Sécession dans un vieux film ou des scènes du classique Naissance d’une nation, il montre bien l’ancrage immémorial du racisme dans l’Amérique profonde. Face à ce constat sans concession, il le confronte à l’activisme des Black Panthers, pas loins d’être aussi belliqueux que leurs concurrents blancs. Discours vindicatifs, expression d’une colère immémoriale, envie d’en découdre, Spike Lee ne met pas d’oeillères pour montrer la rage de ceux qui n’ont jamais cessé d’être brimés et harcelés par la police majoritairement blanche. Et au milieu de ces deux faces d’une même réalité, un jeune noir décide d’intégrer la police pour faire bouger les choses. Le film comporte une grande part de fiction, notamment avec le personnage de l’activiste noire Patrice (Laura Harrier) visiblement inspirée de la célèbre Angela Davis.

Un rappel constant à la réalité sans fard

BlacKkKlansman fait rire et réfléchir mais ceux qui connaissent l’histoire réelle de Ron Stallworth sont au courant du happy end, ce que Spike Lee refuse totalement en rappelant la persistance de la peste KKK dans l’Amérique du 21e siècle. Les images finales ne sont plus de la fiction et il n’est plus temps de rire des ploucos du midwest blanc quand le réalisateur invoque les images véridiques d’une voiture fonçant dans une manifestation d’anti KKK en faisant une victime, blanche de surcroit. Si le rôle qu’a pu jouer le vrai Ron Stallworth mérite d’être souligné et salué, ce que Spike Lee fait très bien avec son film longtemps distrayant et ambigu, quoiqu’assez classique dans son déroulement et son montage, le film permet surtout de pointer du doigts les errances d’un président élu sur la base d’un discours rempli de haine. Nombre de ses électeurs espéraient vraisemblablement un grand coup de balais qui n’a fort heureusement pas eu lieu, mais permet surtout de motiver des troupes grandissantes de suprémacistes prêts à en découdre.

En sortant de la salle, les spectateurs n’ont pas véritablement le sourire face au constat final exposé par Spike Lee. Beaucoup se demanderont même si le ton de la comédie était bien approprié pour un tel propos. Reste un film plus que plaisant qui n’atteindra pourtant pas les vertiges de l’éternité.

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Blackkklansman

Au début des années 70, au plus fort de la lutte pour les droits civiques, plusieurs émeutes raciales éclatent dans les grandes villes des États-Unis. Ron Stallworth devient le premier officier Noir américain du Colorado Springs Police Department, mais son arrivée est accueillie avec scepticisme, voire avec une franche hostilité, par les agents les moins gradés du commissariat. Prenant son courage à deux mains, Stallworth va tenter de faire bouger les lignes et, peut-être, de laisser une trace dans l’histoire. Il se fixe alors une mission des plus périlleuses : infiltrer le Ku Klux Klan pour en dénoncer les exactions.

En se faisant passer pour un extrémiste, Stallworth contacte le groupuscule : il ne tarde pas à se voir convier d’en intégrer la garde rapprochée. Il entretient même un rapport privilégié avec le « Grand Wizard » du Klan, David Duke, enchanté par l’engagement de Ron en faveur d’une Amérique blanche. Tandis que l’enquête progresse et devient de plus en plus complexe, Flip Zimmerman, collègue de Stallworth, se fait passer pour Ron lors des rendez-vous avec les membres du groupe suprémaciste et apprend ainsi qu’une opération meurtrière se prépare. Ensemble, Stallworth et Zimmerman font équipe pour neutraliser le Klan dont le véritable objectif est d’aseptiser son discours ultra-violent pour séduire ainsi le plus grand nombre.

Sortie : le 22 aout 2018
Durée : 2h16
Réalisateur : Spike Lee
Avec : John David Washington, Adam Driver, Topher Grace
Genre : Biopic, Comédie, Policier

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NOS NOTES ...
Originalité
Mise en scène
Réalisation
Jeu des acteurs
Stanislas Claude
Rédacteur ciné, théâtre, musique, BD, expos, parisien de vie, culturaddict de coeur. Fondateur et responsable du site Culturaddict, rédacteur sur le site lifestyle Gentleman moderne. Stanislas a le statut d'érudit sur Publik’Art.
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