Cancer rhapsodie, ou la vérité toute crue de Michel Richard (JC Lattès)
Dans son dernier livre, Cancer rhapsodie, Michel Richard n’y va pas par quatre chemins. Dès le titre, nous savons sur quel terrain il nous entraîne. Celui de son propre cancer.
Aucun scoop sur le scénario
Bien sûr, on préfèrerait qu’il nous parle de ses amours plutôt que de son cancer. Qui ose parler franchement, sans tabou, sans retenue de sa maladie ? Surtout de son cancer ? pas grand monde… Car de tout temps, la maladie, quelle qu’elle soit, mais surtout le cancer, fait peur. Et franchement, on n’a pas envie d’avoir peur…
L’histoire du cancer
Pas grand chose à dire sur le scénario de ce petit livre de Michel Richard. Il commence par l’annonce de son cancer. La naissance de son cancer. Comme il l’écrit. Et il se terminera sans fin. Car aujourd’hui, personne ne connaît la fin de son histoire…
« J’arrête ici ce récit. Ma rhapsodie restera inachevée. J’aurais préféré la finir. Que mon cancer ait une fin comme il a eu un début, une date de naissance, certificats médicaux, validation hospitalière et tampons de la Sécu à l’appui. Ma rhapsodie a un début et pas de fin. » (p.113)
Même si on n’utilise pas souvent ce terme, rhapsodie, on reste intrigué. Selon le Larousse, en voilà la définition : Pièce instrumentale de caractère libre, proche de l’improvisation, utilisant des thèmes ou des effets folkloriques […] Ou : Poème ou partie de poème contenant un épisode épique, spécialement emprunté aux poèmes homériques.
On va chercher encore : Epique : relatif à une épopée, une aventure héroïque
Quelle rhapsodie ?
Quelle est donc la rhapsodie qu’a décrit l’auteur ? Chacun y trouvera la réponse qu’il voudra ! Pour ma part, il me semble que Michel Richard, nous a livré une partie intime de sa vie, sans calcul, de façon vraie, entièrement libre mais sans improvisation. Car tout ce qui est écrit a été vécu. L’objet est centré sur un événement épique mais qui aux yeux du principal intéressé ne l’est pas !
Analyse psychologique
Si vous pensez que Michel Richard se prend pour un héros, c’est le strict opposé ! Il n’a pas écrit ce livre dans un but thérapeutique. Même si dans le fond, cela l’a peut-être aidé à traverser ces épreuves. Je pense qu’il a juste voulu écrire sa partition, pour partager ses pensées de simple mortel.
Son style est simple, direct, sans fioritures. Comme le langage hospitalier. Il n’écrit pas pour se faire plaindre, mais plutôt pour tenter de mieux comprendre ce qu’est un cancer. Mieux comprendre toutes les personnes atteintes d’un cancer. Pour sans doute, au final, mieux l’accepter.
« Me souvenir : à un malade du cancer, ne parler que du sien. » (p.31)
Sa façon de réagir, de n’avoir pas peur du cancer, est positive et philosophique. Il fait comme il veux, comme il sent, en fonction de lui-même et non des autres. Grande liberté de penser, d’agir et de parler.
« Je l’avais dit, donc, à qui me plaisait, à qui m’importait. Je l’avais dit sans principes, et sans drame, et j’aimais bien n’avoir pas à mentir. (p.73) »
Cancer rhapsodie sera sans doute un livre de chevet pour beaucoup d’entre nous, comme un livre de sagesse. Un bel hommage à la vie !
« J’avais une maladie, je n’étais pas un malade réduit à sa maladie. » (p.110)
Quand on est malade, effectivement, on a l’impression de n’être plus que « malade » aux yeux de tous. Et l’on passe son temps à attendre. Attendre que ça aille mieux, attendre des résultats d’analyse, attendre des rendez-vous médicaux, bref, ne qu’attendre. Attendre de ne plus souffrir, attendre la guérison… Attendre la fin.
« Attendre, était-ce une vie ? Qu’attendre d’elle, d’ailleurs, sinon qu’elle s’achève à son heure ? » ( p.110)
Car n’oublions pas, avec ou sans cancer, la vie a toujours pour aboutissement la mort. Et ça, Michel Richard l’a en tête en permanence, mieux que nous, sans aucun doute…
Cancer rhapsodie, un petit grand livre à mettre en toutes les mains, comme symbole de vie.
Le médecin m’avait dit : « Vous avez un cancer, avec une grande simplicité ».
Pourquoi, d’ailleurs, eût-il fallu qu’il le dise autrement ? Le jeune interne, me semble-t-il, avait rougi, baissant les yeux – il apprendrait plus tard qu’il ne faut pas avoir peur de dire la vérité aux malades. J’avais entendu le verdict avec une certaine sérénité. Moins quand, regardant de près les résultats de mes examens, il avait grimacé : « C’est pas super ».
La simple surveillance était exclue. Il fallait agir.
Le 5 octobre 2015, l’auteur de ce livre apprend qu’il a un cancer.
Il décrit une année avec la maladie : ce qu’elle change en lui, ce qu’elle impose et ce qu’il lui oppose, le regard que les autres portent sur le mal et le malade, cette vie différente, gouvernée par l’incertitude, entre le grand hôpital et les séances de radiothérapie et le travail jamais arrêté, entre le soin mis à survivre et la vie ordinaire.
Ce n’est pas un journal, pas un manuel, pas un témoignage mais le récit le plus juste d’un homme face à une épreuve : il y a beaucoup de poésie dans ces pages, de la dérision, de questions et des tentatives de réponses qui ne sont pas des leçons mais une expérience, un combat : ne pas dire je suis malade mais j’ai un cancer, tout entendre, choisir un traitement, en parler, se soigner. Et puis il y a toutes ces questions sans réponse : pourquoi moi, serai-je là dans un an, comment supporter l’attente, que reste-t-il de l’homme que j’étais avant, qu’est-ce qui a changé ?
« Ma rhapsodie a un début et pas de fin. Elle ressemble à ces films qui s’achèvent à la surprise du spectateur, le laissant à son désarroi. A mon énervement, pour ma part, contre ces scénariste ou réalisateur qui recourent à l’écran noir, faute de savoir comment finir leur histoire. Ils la laissent flottante, à l’imagination de chacun. Ils vous abandonnent à l’incertain. Ils ne savent pas la suite. Mes toubibs non plus. Et moi non plus. »