La cerisaie ou le temps des cerises de Tchekhov
Une comédie douce-amère au texte hypnotique où se consument l’impuissance et la passivité d’une noblesse en déclin dans la campagne russe. Les tg STAN s’emparent de l’écriture tchekhovienne et nous livre une version décomplexée et décalée dont le regard neuf et collectif ne nous a pas convaincu.
La cerisaie, œuvre testamentaire de Tchekhov, est commandée en 1903 par le grand metteur en scène et théoricien Stanislavski pour le Théâtre d’Art de Moscou. Elle raconte la vente d’un domaine, parabole de la crise au carrefour de deux mondes, celui d’un XIXe finissant et d’un XXe débutant.
Vision existentielle entre la nostalgie romantique d’un passé révolu et des aspirations vagues vers un futur incertain où autour d’une maison que l’on va perdre, se concentrent des êtres opposés, animés par le profit et l’avenir tandis que d’autres sont en proie aux souvenirs et à la passion de l’inutile.
Il n’y a pas de héros dans La Cerisaie. C’est une pièce chorale qui offre une partition pour un tempo embrassant le collectif. Car c’est le temps qui en est le personnage principal : le temps des saisons, celui de l’enfance, le temps d’aimer, le temps qui passe, le temps perdu, la vieillesse, et la mort.
« Ce que j’écris, c’est la vie », confie Tchekhov à sa femme. Et le dramaturge orchestre cette fuite abyssale des choses, des êtres où dans un flux continu de personnages, de situations, de dialogues, les voix se croisent, s’entrechoquent, se chevauchent parfois, s’interrompent brusquement, suggèrent à peine avant de s’évanouir.
Chaque acte s’annonçant par une rupture, une déconstruction totale de l’espace où le glissement vers l’issue fatale s’opère ainsi dans un mouvement des objets et des corps.
Mosaïque pour une dramaturgie en éclats sans cesse recomposée, fragmentée, dans l’éclatement de la parole et des silences, et qui catalyse les aspirations humaines. Là où le drame est aussi une comédie.
Or, le parti pris de mise en scène des Tg Stan par ses options de distanciation, de refus de toute dimension tragique (pourtant indissociable de la teneur existentielle du texte), et d’incarnation, le tout ponctué de blagues et d’aparté avec le public, déroute et installe la pièce dans une cacophonie ennuyeuse et interminable.
Elle offre une vision simpliste et anecdotique du théâtre de Tchekhov dont les procédés réducteurs tombent à plat comme un soufflé raté, dommage !.
Dates : du 2 au 20 décembre 2015 l Lieu : A La Colline (Paris)
Metteur en scène : Tg Stan