Les Chatouilles comme un exorcisme à la souffrance
Andréa Bescond propose un seul en scène qui évoque l’ineffable le plus insoutenable. Son héroïne Odette a subi des abus sexuels répétés dès son plus jeune âge. Marquée au fer rouge, elle tente d’exorciser ses souvenirs douloureux en faisant appel à la justice. Mais la suspicion et le déni rodent… La comédienne n’y va pas par quatre chemins pour relater ce que l’on suppose être sa propre expérience personnelle, évoquée avec lucidité et humour. Les scènes de danse, les imitations et l’humour forcené transforment le spectacle en tableau si réel qu’il force le respect. Un article avait déjà été proposé sur Publik’Art, voici de quoi rappeler les qualités du spectacle.
Une histoire déchirante
Dès le départ, pas de doute à avoir sur le sujet principal de la pièce. La jeune Odette est abusée par un ami de la famille, un quidam avec l’apparence de la respectabilité mais qui cache en lui même un prédateur sexuel qui s’attaque à une (ou plusieurs) petites filles sans défense. La vie d’Odette en sera bouleversée à jamais, lui faisant accumuler les excès en même temps qu’elle se lance dans une carrière de danseuse sur toutes les scènes du monde. Bien que seule en scène, Andréa Bescond se glisse dans la peau de multiples personnages, le commissaire débonnaire, la danseuse nymphomane, la prof de danse truculente, la psy silencieuse et la mère névrosée. Ce qui pourrait se confiner à un témoignage certes douloureux mais emprunt d’un pathos réducteur s’élève vers la plus délicate acuité. Car les victimes de viol doivent bien continuer à vivre, digérer leurs souffrances et les exprimer un jour, avec le risque du désaveu voire du ridicule.
Une comédienne habitée et prodigieuse
Le petit bout de femme qui s’agite sur la scène une heure trente durant ne ménage ni ses effets ni sa grâce. Danseuse accomplie, voire athlète aguerrie, elle enchaine les monologues à des numéros de danse spectaculaires sans jamais perdre son souffle. Il n’y a qu’à voir les muscles de ses cuisses et de ses bras pour admirer la grâce et la détermination d’une comédienne habitée. Loin de se complaire dans le pathos, elle n’hésite pas à faire de longues digressions pour plonger son histoire dans le quotidien le plus fondamental. L’héroïne vit, évolue, fait des rencontres et se débat contre un fantôme toujours présent. Il est facile d’imaginer le bien que doit faire cette pièce à tous ceux qui ont vécu de tels cauchemars. Face aux dénégations des adultes, il faut une sacrée dose de caractère pour pouvoir s’affirmer et lutter contre les réaction outrées. La danse s’accompagne de musiques qui parleront aux cinéphiles avec des morceaux tirés de The Social Network (par Trent Reznor et Atticus Ross) et Requiem for a dream pour des émotions démultipliées.
Les Chatouilles font mal et interpellent sur tous ces démons qui se cachent sous des apparences de normalité. La comédienne offre un numéro éblouissant qui a déjà reçu de multiples récompenses ô combien méritées. A découvrir si ce n’est déjà fait.
Dates : En tournée, vu dans la Salle Onex à Genève en Suisse
Lieu : voir billetreduc.com
Metteur en scène : Eric Métayer
Avec : Andréa Bescond
[…] Les chatouilles, le texte de Stanislas disponible dans le lien avec sa chronique dans Publik’Art. […]