Conservatoire national d’Art dramatique
du 26 au 28 juin 2014
En préambule de son texte « Légendes de la forêt viennoise » Horváth indique : « Rien ne donne autant le sentiment de l’infini que la bêtise ». Dramaturge de langue allemande né en 1901, Horváth a, pour beaucoup, réinventé le théâtre populaire allemand.
Avec ce mélodrame sans cesse contrebalancé par la satire des répliques et des situations, Horváth dénonce la bêtise ordinaire et son aveuglement qui fait tomber les masques dans un jeu de massacre où se révèlent la lâcheté, l’égoïsme, les pulsions mises à nu, les instincts de domination et de revanche d’une humanité dévastée.
[pull_quote_right]Un spectacle réussi dont l’esprit d’Ödön von Horváth nous habite longtemps et rejoint cette définition de l’auteur « Toutes mes pièces sont des tragédies. Elles ne deviennent comiques que parce qu’elles sont étrangement inquiétantes », bravo ![/pull_quote_right]
Vienne 1931. La fille d’un petit commerçant rompt ses fiançailles avec un patron boucher pour un beau gosse, vivant d’expédients, qui ne l’aime pas. Abandonnée et méprisée par tous, sa sincérité et sa franchise la conduiront à une destinée tragique.
Avec ce drame, le dramaturge dépeint admirablement la complexité humaine et sa part d’ombre aiguisée par les idéologies montantes d’une Allemagne nazie en gestation, et qui ne saurait tarder à contaminer l’Autriche.
Pièce baroque et profonde par excellence, elle valut à son auteur de recevoir le prix Kleist en 1930, dont Sandy Ouvrier s’empare avec le talent qu’on lui connait (sens de l’espace, du mouvement, du rythme) pour le spectacle de fin d’année de sa classe de 1ère année.
Sa mise en scène très accomplie fait la part belle au naturalisme avec des tableaux saisissants pour évoquer le quotidien faussement bucolique de la petite bourgeoisie captive de l’idéologie dominante. Mais aussi à l’expressionnisme, en parfait écho avec la démesure propre au ton du dramaturge qui opère sans cesse un basculement instantané des personnages dans des situations qui les dépassent.
Ce fil conducteur toujours d’une grande fluidité maintient la tension dramatique du début à la fin du spectacle.
Et les comédiens : Alice Berger – Emmanuel Besnault – Candice Bouchet – Margaux Chatelier – Jade Fortineau – Julien Frison – Loulou Hanssen – Camille Jacoulet – Julie Julien – Maxime Le Gac Olanié – Loïc Mobihan – Raphaël Naasz – Pablo Pauly – Antoine Prud’homme de la Boussinière – Roxane Roux – Paul Toucang – Charles Van De Vyver et Ana Sofia Da Silva Lopez, totalement investis sont justes et généreux, tour à tour drôles, odieux et pathétiques pour rendre compte de cette humanité aliénée qui n’arrive plus à avancer.
Un spectacle réussi dont l’esprit d’Ödön von Horváth nous habite longtemps et rejoint cette définition de l’auteur « Toutes mes pièces sont des tragédies. Elles ne deviennent comiques que parce qu’elles sont étrangement inquiétantes », bravo !