Comment vous racontez la partie, texte et mise en scène de Yasmina Reza, à Paris

COMMENT VOUS RACONTEZ LA PARTIE

© Pascal Victor/ArtcomArt

Théâtre du Rond-Point du 5 novembre au 6 décembre 2014 Salle Renaud-Barrault 21h

Six ans après « Le Dieu du carnage », Yasmina Reza revient au théâtre avec sa nouvelle pièce : « Comment vous racontez la partie ». Une comédie enlevée sur le jeu des apparences avec pour toile de fond l’entre-soi médiatico-culturel où, par delà la vacuité des attitudes, se débusquent les failles existentielles. Un régal

[pull_quote_center]Instantané de la condition humaine, parfois tendre, parfois cruelle, souvent drôle, mais toujours juste où chacun se joue de soi et des autres[/pull_quote_center]

Nathalie Oppenheim, écrivain policée et pudique, découvre la salle polyvalente de Vilain-en-Volène, où elle est invitée à parler de son dernier roman “Le Pays des lassitudes”. Roland, responsable culturel, admirateur et précieux, l’accueille. Rosana Ertel-Keval, enfant du pays devenue une critique littéraire reconnue, l’interviewe en public avec l’assurance de sa position dont elle sait l’importance.

L’humeur charmante de cet après-midi littéraire bascule vite dans un climat trouble lorsque l’invitée entame la lecture d’extraits de son œuvre et doit la commenter en répondant aux interrogations de plus en plus personnelles de la journaliste.

[pull_quote_left]Avec son écriture proche du réel et en même temps très stylisée, l’auteure metteuse en scène convoque la bonne distance entre un regard lucide mais aussi surréaliste où son humour ravageur fait mouche.[/pull_quote_left]

Mal à l’aise, la romancière préfère esquiver les questions, ce qui n’est pas du goût de son interlocutrice qui la relance dans un ping-pong verbal aux répliques acerbes et définitives, virant à la joute sémantique et à une interprétation fausse de son roman, dont l’auteure se défend provoquant l’irritation de la chroniqueuse. Puis, le débat se clos par l’incontournable cocktail où les invités sont rejoints par le Maire “sans étiquette” de la commune.
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Et cet épisode marque alors dans la pièce une rupture de ton porteur d’une mélancolie qui voit les personnages, à l’instar d’une fuite en avant jubilatoire, abandonner leur rôle social et révéler leur manque.

Ainsi, dans la grande salle polyvalente impersonnelle, les quatre personnages désinhibés sous l’effet de l’alcool et du lâcher prise entonnent « Nathalie » de Gilbert Bécaud qui laissent entrevoir leurs rêves inaccomplis et leur ultra moderne solitude.

Le décor de Jacques Gabel avec son espace panoramique qui accapare toute la scène participe à la mise en abîme et au vide existentiel qu’il renvoie.

Yasmina Reza n’a pas son pareil pour se moquer du conditionnement social et de ses travers qui font la part belle à la vanité, l’égocentrisme et le snobisme tout en imprimant à ses personnages une faiblesse foncièrement humaine. Avec son écriture proche du réel et en même temps très stylisée, l’auteure metteuse en scène convoque la bonne distance entre un regard lucide mais aussi surréaliste où son humour ravageur fait mouche.

COMMENT VOUS RACONTEZ LA PARTIE

Les protagonistes imaginés par Yasmina Reza impliquent donc authenticité, tranchant et second degré, facultés que possède haut la main le quatuor réuni sur le plateau : Dominique Reymond, souveraine et irrésistible, Zabou Breitman, parfaite, Romain Cottard, une découverte, et André Marcon, royal.

Instantané de la condition humaine, parfois tendre, parfois cruelle, souvent drôle, mais toujours juste où chacun se joue de soi et des autres…

Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.

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