
« Coup Fatal » : Une symphonie baroque et congolaise, où la sape devient acte de résistance
Alain Platel, figure emblématique du théâtre chorégraphique, nous fait nous sentir vivants avec « Coup Fatal », une œuvre solaire et jubilatoire qui transcende les frontières artistiques et culturelles.
Dans ce spectacle, présenté comme un hymne à la joie, Platel s’associe à Fabrizio Cassol, Rodriguez Vangama et le contre-ténor Serge Kakudji, pour orchestrer une fusion audacieuse entre musique baroque et rythmes congolais. Loin de ses créations souvent empreintes de mélancolie, Platel nous entraîne ici dans une fête exubérante où la musique, la danse et le théâtre dialoguent avec une énergie impérieuse.
Deux hommes s’avancent sur scène. Ils s’interpellent par instruments interposés, engagent un dialogue musical intense et enflammé. L’un tient une guitare électrique à double manche, l’autre un likembe. À cet appel à la danse, au partage, à la désobéissance, répondent immédiatement une dizaine d’autres musiciens et chanteurs qui débarquent alors, brandissant au-dessus de leur tête des chaises aux couleurs du ciel de Kinshasa. Le round peut alors commencer et plus rien ne pourra l’arrêter.
Un impétueuse effervescence sonore et visuelle
La réussite de « Coup Fatal » réside dans ce métissage subtil où Bach, Haendel, Gluck ou encore Monteverdi se mêlent aux pulsations africaines, portées par des instruments traditionnels tels que le balafon ou le likembe. Le tout propice aux envolées électriques et au déploiement des arias baroques, dans une impétueuse effervescence sonore et visuelle, qui électrisent et magnétisent toute la scène.
Cette rencontre improbable est soutenue par l’interprétation en live de l’orchestre constitué de douze musiciens et danseurs venus de Kinshasa. Chaque note résonne alors comme un pont entre deux mondes, entre l’Europe baroque et l’ébullition culturelle africaine.
La mise en scène dépouillée – des rideaux de perles et des chaises en plastique bleu – fait la part belle aux artistes et à leur folie communicative, pour s’éclater dans une explosion de sons et de mouvements dansés parfaitement exécutés.
Au cœur de cette célébration musicale et sensorielle se trouve la figure des « sapeurs », ces dandys congolais dont l’extravagance vestimentaire devient un acte de résistance face à l’adversité.
Dans un final éclatant et une élégance unique, les interprètes défilent sapés comme des Dieux, offrant un véritable festival coloré et sans frontière, où se revendique fièrement sa liberté et son appartenance. Un moment, empreint d’humour et d’humanité, illustrant parfaitement la capacité de Platel à mêler tendresse et ironie dans une ode aussi résiliante que festive.
Dates : du 28 mars au 5 avril 2025 – Lieu : Théâtre du Rond-Point (Paris)
Mise en scène : Alain Platel