Gaspard Proust, Jean-Luc Moreau, Brigitte Catillon : une famille en or ! au Théâtre Antoine
Sébastien Thiéry, comédien, est aussi auteur de pièces de théâtre où son écriture portée plutôt vers l’absurde et affranchie de toute morale, cohabite avec la comédie de boulevard, n’hésitant pas à déstabiliser le spectateur.
On se souvient de sa comédie noire et hilarante « L’origine du monde », montée au Théâtre du Rond-Point en 2013, dans une mise en scène de Jean-Michel Ribes, où s’imaginant condamné à mourir, il devait dans un défi aussi improbable que psychanalytique pour éviter la mort annoncée, prendre une photo du sexe de sa mère jouée par Isabelle Sandoyan !
Aujourd’hui, c’est à une crise d’ado attardé (Gaspard Proust) aussi kafkaïenne que loufoque que nous convie Sébastien Thiéry. Face à lui, des parents abasourdis (Jean-Luc Moreau et Brigitte Catillon), déstabilisés dans leur petit confort bourgeois, et qui doivent faire face à l’amnésie aussi brutale que perverse de leur rejeton.
Matthieu, un quadra en couple, paumé et hagard débarque seul chez ses parents à cinq heures du matin. Il est trempé des pieds à la tête, porte un sac à dos rempli de pierres, et a zappé littéralement sa vie d’adulte. Le père et la mère tentent de comprendre ce qui a bien pu lui arriver, mais très vite leurs questionnements se transforment en un règlement de compte familial. Férocement drôle !
La pièce impose dès les premiers instants cette idée farfelue qui voit les repères habituels de la petite famille remis en cause et interroger la relation de couple qui en prend un sacré coup ! ainsi que le binôme parents/enfant où la mère ménage et défend bec et ongles sa progéniture, moins innocente qu’elle en a l’air…
De l’absurde au comique, il n’y a qu’un pas…
L’absurde qui naît du personnage du fils avec sa dimension psychanalytique – d’un comique irrésistible – est un cauchemar parce que les parents ont conscience de vivre une situation surréaliste et inconcevable.
Le texte, bien écrit, se révèle drôle et méchant, corrosif à souhait, et interroge aussi la responsabilité des parents dans l’adulte que l’on devient.
La mise en scène au cordeau de Ladislas Chollat accompagne de concert la situation conflictuelle où la tension va crescendo et dans un suspens savamment orchestré. Le tout à l’abri d’un très beau décor, mobile, qui nous fait passer de l’entrée, à la cuisine et au salon, propice à un déroulé rythmé et fluide de la sournoise intrigue.
Gaspard Proust dans le rôle du fils est d’une justesse parfaite, aussi intriguant qu’inquiétant, il porte toute la rancœur et la violence rentrée de son personnage. Face à lui, Brigitte Catillon est renversante de subtilité et d’incarnation en mère un brin possessive qui prend le parti de son fils et en maîtresse femme d’une lucidité vacharde et sans appel sur sa relation de couple. Quant au père (Jean-Luc Moreau), il est cet homme accablé qui se rebiffe entre l’affrontement de son fils et les certitudes assassines de sa femme. Bravo !
Dates : depuis le 5 novembre 2022 – Lieu : Théâtre Antoine (Paris)
Mise en scène : Ladislas Chollat