Grand moment d’ivresse au Théâtre de Poche Montparnasse avec Cabaret Picasso
Le Théâtre de Poche Montparnasse ravive la légende du Montmartre 1900 avec Cabaret Picasso jusqu’au 14 juillet. L’effervescence d’une époque bouillonnante de création et d’agitation est mise en scène dans une ambiance de cabaret éblouissante. Des chansons truculentes alternent avec des déclamations de poème dans une narration interactive et onirique.
Lorsque Pablo Picasso s’installe en 1904 au Bateau Lavoir sur la butte Montmartre, c’est le début d’une aventure artistique qui marquera l’histoire de la peinture. Une bande d’amis inséparables se forme autour de l’immortel catalan avec Guillaume Apollinaire, Max Jacob et André Salmon. Tandis que Pablo révolutionne l’art pictural, une existence chiche et débridée s’installe au mythique Bateau Lavoir. Ce qui s’appelle encore La maison du trappeur est une ancienne fabrique de piano devenue un atelier de serrurerie avant d’être divisé en ateliers en 1889. Max Jacob le renomme Bateau Lavoir à cause de son insalubrité et de ses longs couloirs le faisant ressembler aux coursives d’un bateau. Pas de gaz ni d’électricité, un trou lugubre en guise de toilettes et un robinet d’eau pour tous. C’est dans ce taudis que se joue pourtant jusqu’en 1914 une des pages les plus flamboyantes de l’histoire parisienne.
Un équipage truculent ressuscite les mythes d’une décennie magique. Le créateur de la pièce Reinhardt Wagner s’installe au piano avec le soutien d’un accordéoniste expert tandis qu’Emmanuelle Goizé commence son tour de chant. L’ambiance intimiste est renforcée par la disposition de l’audience attablée à des petites tables et qui salue d’applaudissements enthousiastes chacun des numéros chantés. Héloïse Wagner rejoint bientôt la scène dans le rôle de Fernande Olivier, compagne et muse de Picasso à l’époque du Bateau Lavoir. Les deux chanteuses entonnent les textes de Frank Thomas dans des évocations tout à tour pittoresques et émouvantes de cette époque bénie des dieux. Pour ajouter à l’émotion, Jean-Jacques Beineix himself déclame des poèmes d’Apollinaire, Max Jacob et André Salmon de sa voix posée et assurée. Les textes se font suggestifs au fur et à mesure que se créée la légende.
Accoudé à un tonneau, le réalisateur se prête au jeu du voyage dans le temps tandis que musiciens et chanteuses agrémentent le public d’airs qui s’incrustent instantanément dans la mémoire. La mise en scène de Manon Elezaar renforce l’impression de cave enfumée de la butte Montmartre, à quelques tables des géniaux artistes. Les noms de George Braque, Matisse, Utrillo et Gertrude Stein confortent l’irrésistible impression d’étape décisive. L’émulation, l’amitié et les rivalités accouchent d’idées révolutionnaires dans une atmosphère de fête débridée. La première guerre mondiale sonne la fin de la fête et l’éparpillement du joyeux équipage. Après le récent Kiki de Montparnasse joué récemment au Lucernaire, mis en scène par Jean-Jacques Beineix et porté par la même Héloïse Wagner, l’heure reste à la nostalgie d’un Paris fantasmé et légendaire.
Dates : jusqu’au 14 juillet 2016
Lieu : Théâtre de Poche Montparnasse
Metteur en scène : Manon Elezaar
Avec : Reinhardt Wagner, Héloïse Wagner, Emmanuelle Goizé, Jean-Jaques Beineix