« I was Sitting on My Patio » : un rendez-vous en demi-teinte avec Bob Wilson

"I was Sitting on My Patio" : le rendez-vous en demi-teinte de Bob Wilson
Photo : © LUCIE JANSCH

« I was Sitting on My Patio » : un rendez-vous en demi-teinte avec Bob Wilson

En 1976, la chorégraphe Lucinda Childs et le metteur en scène Bob Wilson marquaient les esprits avec leur opéra Einstein on the Beach, composé par Philip Glass. À peine un an plus tard, le duo créait « I was Sitting on my Patio This Guy Appeared I Thought I was Hallucinating ». C’est avec ces mots que commençait la pièce. Bob Wilson lui-même, vêtu de noir et blanc, montait sur scène et commençait à suivre à voix haute le fil ininterrompu d’un zapping verbal. Puis, il sortait du plateau, Lucinda Childs prenait alors sa place. Elle reprenait son monologue, déversait le même flot continu d’idées incongrues, ajoutant, modifiant, transposant ça et là.

Aujourd’hui, Wilson et Childs passent le flambeau à deux nouveaux interprètes : Christopher Nell formidable Méphistophélès dans Faus I & 2 que Bob Wilson avait présenté au Châtelet en 2016 avec les acteurs du Berliner Ensemble et Julie Shanahan, figure emblématique du Tanztheater Wuppertal de Pina Bausch.

Deux partenaires en miroir donc récitent l’un après l’autre un même texte d’un non-sens absolu et impossible à résumer (entrecoupé de sons stridents, de cris, de chants, de musique) qu’ils interprètent selon leur intériorité propre et un contexte purement influencé par une illusion mentale et un monde qui leur échappe.

Doublure fantomatique d’un monde en suspension

Lui, personnage sombre tout droit sorti d’un film de Tim Burton, semble être pris au piège de sa vie et d’une mélancolie mortifère. Elle, robe blanche et vaporeuse, ongles et lèvres rouge sang, virevolte dans une solitude fantasmée.

Dès que le rideau se lève, on est immédiatement subjugué par les images et l’écriture sans pareille de Bob Wilson, d’éclairer un accessoire dans une sorte de netteté de clair-obscur dénué de tout chatoiement, cette manière de détacher les silhouettes, d’isoler un visage, un bras, cette façon encore d’espacer les mouvements. Un geste qui n’appartient qu’à lui.

Mais si Bob Wilson s’approprie avec l’esthétique qu’on lui connait le plateau et transcende de son empreinte formelle avec des tableaux hypnotiques, les masques et les ombres tout droit sortis du cinéma muet expressionniste, à l’abri de paysages mentaux qui se fondent dans une nuit ou un cauchemar éveillé, d’où surgissent un visage grimé à outrance et pareil à une doublure fantomatique d’un monde en suspension, le propos abscond avec cette logorrhée sans queue ni tête déversée, qui perturbe inutilement le spectateur, en marque cependant la limite.

En effet, la valeur contemplative de l’œuvre aussi intense soit-elle, est ici parasitée par ce monologue dédoublé, tandis que la gestuelle hiératique se révèle plus comme une posture à défaut d’être rattachée à une trame conductrice, qu’à un langage pictural capable de nous faire enter pleinement dans l’intériorité des protagonistes.

Christopher Nell s’impose malgré tout. Son magnétisme aussi onirique que poétique, nous confronte avec une grâce fiévreuse et sardonique, à notre intranquillité intérieure.

Dates : du 20 septembre au 23 octobre 2021  – Lieu : Théâtre de la Ville – Espace Cardin (Paris)
 Mise en scène : Bob Wilson & Lucinda Childs

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Mise en scène
Jeu des acteurs
Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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