Isabelle Adjani dans “Opening Night” : l’insaisissable mystère d’une actrice fascinante, sur les planches à New-York
Après son succès public et critique, ”Opening Night” poursuit donc sa route jusqu’à New-York. Pour son retour gagnant sur scène, Isabelle Adjani avait choisi le metteur en scène Cyril Teste. Dans une pièce librement inspirée d’Opening Night de John Cassavetes, elle y interprète une comédienne (Myrtle) à la dérive, en quête d’une vérité dramatique dont le matériau en constante évolution, se réinvente à chaque représentation.
Et c’est là l’originalité de la proposition puisque chaque soir la version donnée est unique, même si ses ingrédients sont (presque) les mêmes, scènes, écrans, comédiens.
A l’abri d’images, de répétition, de jeux de pouvoir, de manques, de fracas, on y voit une actrice en crise après avoir assisté à la mort d’une admiratrice. Hantée par le fantôme de cette jeune femme comme elle le serait de sa propre jeunesse perdue, elle perd pied et boit, ne parvenant plus à se connecter à son rôle, celui d’une comédienne en manque d’amour. Ni son metteur en scène, Manny (Morgan Lloyd Sicard), ni son partenaire, Maurice (Frédéric Pierrot), n’arrivent à la raisonner.
On retrouve ici le dispositif cinématographique cher au fondateur du collectif MxM : les acteurs sur scène et en coulisses sont filmés en plan séquence. La vidéo projetée en direct sur grand écran vient augmenter l’espace imaginaire du plateau et raconter le hors-champ. Un procédé déjà à l’œuvre dans ses précédentes créations : Nobody en 2015 et Festen en 2017.
Jeux de miroir vertigineux
En s’inspirant de la pièce de Cromwell et du scénario de Cassavetes, Cyril Teste interroge la figure de l’actrice et ses jeux de miroir qui focalisent la distance, tantôt immense tantôt imperceptible, entre l’être et l’incarnation.
Une mise en abîme vertigineuse où Isabelle Adjani en incarnant la star brouille les frontières entre la fiction et le réel. Où l’histoire de cette femme – qui se heurte, qui se cherche et retrouve sa place sur le plateau de théâtre – fait écho à son propre statut d’actrice.
« C’est comme si j’avais perdu la réalité de la réalité », déclare Myrtle. Pendant quelques secondes, on observe le visage d’Isabelle Adjani, filmé et projeté en direct sur le grand écran au centre du décor et qui s’y voit ainsi démultiplié, où l’image superpose avec sa lecture en creux, le trouble d’identification entre l’actrice et son personnage.
Adjani (Myrtle), Morgan Lloyd Sicard (Manny), Frédéric Pierrot (Maurice) sont ainsi tour à tour des doublures de leur propre rôle qui évoluent en noir et blanc sur grand écran et sur scène dont chacune des faces donne chair au théâtre et à sa vérité extrême.
Dans cette traversée pour un autoportrait en forme d’autofiction du métier d’actrice, Adjani et ses complices sont formidables. D’un insaisissable mystère, elle capte la scène d’un jeu d’une infinie précision aux maintes variations où elle donne tout. Entre emportement, abattement, pleurs, ressaisissement, jusqu’à cette scène mémorable où elle livre une danse tribale aussi introspective qu’exutoire. Multiples facettes d’une actrice absolue.
Dates : du 12 au 14 septembre 2019 – Lieu : FIAF, New-York City
Metteur en scène : Cyril Teste