Le cinéma n’est jamais aussi excitant que lorsqu’il nous offre l’occasion de maintenir notre cerveau allumé du début à la fin d’une oeuvre. Que ce soit pour en tirer le sens profond des mots ou encore pour en comprendre le cheminement des idées et saynètes proposées face à nous. Le cinéma de Bruno Dumont, c’est cela depuis des dizaines d’années. Et depuis qu’il a rajouté ce soupçon d’humour pince-sans-rire avec la saga de P’tit Quinquin et du virtuose Ma Loute, il n’est pas démagogique de dire qu’il est devenu le réalisateur français le plus enthousiasmant à suivre film après film. Sa relecture du mythe de la Pucelle, entamée avec l’innocente pop de Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc, en est une nouvelle fois la démonstration vive. Minérale, austère, puissante, poétique, élégiaque, ce second volet, toujours tiré des écrits de Charles Péguy, pousse l’univers Dumont aux confins du mysticisme. En quelque sorte, sur les traces de la demoiselle qui s’apprête à prendre Paris en pleine Guerre de 100 ans, guidée par les voix de l’Au-Delà. C’est ce conflit entre Terre et Ciel qui devient alors le sujet principal du film lorsque l' »élue » tombe et se retrouve emprisonnée et jugée. Archange venue bottée les Anglais hors du pays ou usurpatrice faisant montre de sacrilège ?
Quand Jeanne touche au divin avec Christophe.
Pour faire vivre cette campagne guerrière et le procès qui s’en suit, Bruno Dumont nous offre un véritable feu d’artifice de procédés artistiques tous plus ou moins anti-spectaculaire au possible. Du théâtre figuratif, servi par ce casting de gueules et ce phrasé si particulier collant à son cinéma, en passant par des chorégraphies chevalines dignes des plus beaux spectacles équestres de Bartabas, le tout servi par une musicalité détonnante composé par le revenant Christophe. Sa partition est si exceptionnelle qu’on a rarement eu le ressentiment d’une telle symbiose entre image et son pour une fiction. Les mots de Peguy et les trouvailles visuelles de Dumont ont trouvé leur trinité à travers la partition du chanteur. Entre notes classiques et électroniques, notes justes pour chaque phrase, Jeanne s’offre de véritables moments hors du temps, suspendus. Avec comme point d’orgue, cette apparition de Christophe lui-même qui conclut le procès pour hérésie avec une envolée lyrique très contextuelle. Une expérience de cinéma tout à fait mystique, à l’image même de son personnage principale interprétée par l’exceptionnelle Lise Leplat Prudhomme.
Jeanne est sortie en DVD et VOD depuis le 15 janvier. Une relecture du mythe de la Pucelle où les spectateurs seront emmenés sur des territoires inconnus et vivaces, où l’Art se décline de manière protéiforme et généreuse.
Synopsis
Année 1429. La Guerre de Cent Ans fait rage. Jeanne, investie d’une mission guerrière et spirituelle, délivre la ville d’Orléans et remet le Dauphin sur le trône de France. Elle part ensuite livrer bataille à Paris où elle subit sa première défaite.
Emprisonnée à Compiègne par les Bourguignons, elle est livrée aux Anglais.
S’ouvre alors son procès à Rouen, mené par Pierre Cauchon qui cherche à lui ôter toute crédibilité.
Fidèle à sa mission et refusant de reconnaître les accusations de sorcellerie diligentées contre elle, Jeanne est condamnée au bûcher pour hérésie.
Sortie DVD : le 15 janvier 2020
Durée : 2h12
Réalisateur : Bruno Dumont
Avec : Lise Leplat Prudhomme, Jean-François Causeret, Fabrice Luchini, Annick Lavieville, Christophe
Genre : Drame musical
Prix : 14,99 € (DVD)
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