La chanteuse L (Raphaële Lannadère) sur les pas de Barbara : une réussite
En 2011, la chanteuse-autrice-compositrice L., alias Raphaële Lannadère, était couronnée du prix Barbara (distinction qui donne lieu à la scène inaugurale avec un discours verbeux du ministre de la culture de l’époque, tout droit sorti de l’esprit d’un conseiller énarque ! et interprété par Thomas Jolly).
C’est dire si un lien particulier la relie avec l’interprète de L’Aigle noir, un lien forgé depuis l’enfance et même plus loin encore, puisque sa mère l’écoutait quand elle était enceinte. Pour L., Barbara est « une langue maternelle, un spectre bienveillant qui rôde », mais aussi « une figure insupportable et écrasante, une mère toute-puissante ».
Un jeu de piste singulier et poétique avec la dame en noir
Alors plutôt que de s’éloigner de Barbara, elle a décidé de créer un projet théâtral autour d’elle. Et s’est entourée du musicien Babx au piano, et du metteur en scène Thomas Jolly qui lui donne aussi la réplique, qu’elle nous immerge dans l’univers de la dame en noir avec quelques unes de ses chansons. Mais aussi à travers ses mots relevés dans des extraits d’interviews et d’archives sonores dont les questions si peu inspirées des journalistes, sont propices à de grands moments de solitude, pointés avec une ironie mordante par Thomas Jolly.
Ni biopic, ni best of donc, mais un jeu de piste singulier et poétique entre le personnage de la chanteuse de L et celui de Barbara. Et c’est là toute la force et la singularité du spectacle, où s’esquisse – l’une, l’autre, l’une avec l’autre – une figure d’artiste investie, sensible, passionnée et engagée.
Comme elle, le timbre voilé de Rapaëlle Lannadère nous subjugue immédiatement et nous accroche, pour soudain s’ouvrir avec une ampleur inattendue, et faire s’envoler et se mouvoir la mélodie. Où les paroles, à fleur de peau, au gré d’images douces ou inquiétantes, dévoilent leur force évocatrice.
Le tout est emmené par l’art aiguisé et maîtrisé de la mise en scène de Thomas Jolly, qui, à l’abri de faisceaux lumineux, sculptent et cisèlent l’espace entre un intérieur au mobilier apaisant et une scène irradiante entre ombre et lumière, où s’opère la mise à nu de l’artiste face au public et aux projecteurs.
Dates : du 18 octobre au 03 novembre 2019 – Lieu : La Scala (Paris)
Metteur en scène : Thomas Jolly