La dernière photo, ou auto-portrait de Franck Courtès (JC Lattès)
Franck Courtès est un photographe connu et reconnu. Enfin, était. Car depuis peu, il a arrêté ce métier de photographe qu’il a adoré. Autant qu’on peut aimer une femme, dit-il.
Une véritable passion
Franck Courtès n’est pas un photographe comme les autres. Déjà son parcours atypique. A l’école, ses deux ans d’avance ne lui servent à rien. Toujours en décalage avec les autres et surtout l’école n’arrive pas à l’intéresser un tant soit peu. Il décroche vite. Avec juste un CAP en poche, le voilà déjà engagé à Libération pour ses premières photos. Avec son appareil en bandoulière, il se sent un autre homme. Enfin une personne à part entière. Et en plus, il a un don, très vite reconnu. Il travaille également pour les Inrockuptibles, puis Télérama… Il est aussi envoyé au Festival de Cannes. (P.94)
Des portraits, encore et toujours…
Mais là encore toutes ces paillettes, ce n’est pas son truc… Un jour, il doit faire le portrait de Jean-Pierre Jeunet. Ce dernier lui a demandé de l’attendre deux heures. Sans un mot d’excuse… depuis, c’est le réalisateur qui attend toujours son photographe !
Une autre fois, c’est la ministre de la Culture de l’époque, Catherine Tasca, qui doit être photographiée pour le magazine Libération. Franck Courtès lui demande gentiment de se mettre à côté de la fenêtre pour obtenir la plus belle lumière, elle refuse et le traite avec un tel mépris qu’il refuse de la photographier et s’en va en claquant la porte… (P.100)
Il a tellement bien photographié JM Le Pen qu’il avait l’air trop sympa !
Franck Courtès n’a pas la langue dans sa poche. Il fait son métier par passion et oublie que c’est aussi son gagne-pain… Pour lui, l’important est de se sentir libre. Libre de réaliser ce qu’il veut quand il veut. Et de travailler ensemble avec les personnes, plus ou moins célèbres, dont il doit faire le portrait. Sans cette connivence, pas de photo !
Le globe trotter
Il a photographié sur tous les continents, des personnalités du monde entier, et de tous les milieux. Et puis, un beau jour, une goutte a fait déborder le vase…. Son amour de la photographie s’est transformée en une boule au ventre, en une peur de non-recevoir…
Publik’Art ne vous racontera pas tout, mais cette fameuse goutte l’a dégoûté de son métier de photographe. Et c’est ainsi que, après une Dernière photo, Franck Courtès s’est tourné vers la littérature. Il a réussi à développer ce don qui lui correspond totalement, et en profondeur ! Une belle philosophie de vie !
Extraits
Je n’avais pas toujours besoin de lire un auteur pour savoir de lui l’essentiel. Souvent l’œuvre venait après coup confirmer ce que j’avais ressenti dans l’instant partagé de la prise de vue. P.111
J’excellais à ne pas déranger, à me faire oublier. On me complimenta une fois : « Tu sais te rendre invisible . « Triste qualité que celle de ne pas exister ». P.221
Les Joey Starr étaient légion, la société en produisait par escadrilles entières à chaque nouvelle émission de télé. P.254
[…] je réponds que je suis aussi riche que lui, mais que je dépense tout pour une liberté que je ne troquerais contre rien au monde. Je ne subis pas mes heures de travail, je me les paye. P.284
« La photographie était ma raison d’être. J’étais photographe. J’ai été extrêmement photographe, passionnément photographe, hanté par la photographie.
Mon amour immodéré s’est mué en une haine qui n’a d’égale que celle d’un amant trahi. »
Franck Courtès fut photographe pendant vingt-six ans. Vingt-six années de passion, de voyages autour du monde et de rencontres, qui ont permis à celui qui fut un élève timide et rétif à l’autorité de tutoyer les plus grands. Arletty, Jean-Pierre Léaud, Jacques Demy, Iggy Pop, Michel Polnareff, Joey Starr, Karim Benzema, Jacques Derrida, Pierre Bérégovoy, Patrick Modiano : telles sont quelques-unes des personnalités que l’on croise au gré de ce récit foisonnant d’anecdotes, où Franck Courtès relate ces années au cours desquelles il s’est fait un nom.
En 2011, pourtant, il a remisé ses appareils, ses pellicules et ses archives, et renoncé définitivement à être photographe. Le dégoût du star-system, les exigences de plus en plus délirantes des célébrités comme des patrons de presse, les fins mercantiles des portraits de presse et l’avènement du tout-numérique ont eu raison de sa foi. Dans ce métier, il a bien failli se perdre lui-même ; en choisissant la voie de l’écriture, il s’est retrouvé.
La dernière photo est le récit de cette passion, de ce désamour et de cette renaissance.