Le cinéma américain est ainsi fait, ultradominé par des blockbusters taillés pour le succès de masse, et face à qui un cinéma indépendant confidentiel parvient à surprendre et à émouvoir. Give me Liberty existe certainement grâce aux quelques miettes obtenues des sommes colossales générées par l’hyperspectacle des films d’action et de superhéros, et c’est donc tant mieux. Car Give me Liberty raconte une histoire simple, avec des individus lambdas, sans super pouvoirs mais déterminés à exister dans une société qui les laisse de côté. C’est un film plein d’humanité et de tendresse, avec ces moments de rancœur et de désespor mais avec le sentiment final que tout est possible, souvent pour le meilleur.
Un film tendre et émouvant
Le film du réalisateur russe Kirill Mikhanovsky débute comme un cauchemar. Un chauffeur de minibus, Vic, doit se presser pour mener à bien ses missions de transport urgentes mais les circonstances s’acharnent contre lui, le mettant de plus en plus en retard. Accident de la circulation, évènements imprévus, péripéties, le spectateur est mis à rude épreuve face à une mission plus impossible que pour Ethan Hunt dans la série MI. Vic veut bien faire, il essaye d’aider son prochain mais rien n’y fait, ça vitupère autour de lui, ça s’acharne contre lui, pourtant il maintient le cap tant bien que mal avec son véhicule rempli d’individus qu’il ne connait pas et qu’il tente de servir du mieux possible. Son trajet devient peu à peu une métaphore de l’existence humaine, prévue du mieux possible mais incessamment brinqueballée par des imprévus. C’est dans ce maelstrom implacable qu’il fait pourtant de ces rencontres qui marquent une vie. Sur une thématique forcément très russe, empreinte de chansons et d’airs d’accordéons, que Vic tente de remplir sa mission, le film se fonde sur un hyperréalisme avec ce minibus qui dévale sur les avenues avec son équipage bruyant. Les personnages sont marqués par la vieillesse, le handicap ou la maladie, chacun évolue dans un monde où rien n’est fait pour lui, les différences sont consciencieusement mise de côté par la majorité ignorante de ces caractéristiques pourtant pas si à la marge. Le personnel soignant est visiblement lassé, dépassé par l’ampleur de la tâche, il faut un seul Vic pour tenter de répondre à la demande de ceux qui sont dépendants, forcément trop importante pour lui. Il personnifie tous ceux qui se battent pour que chacun trouve son compte dans un monde capitaliste qui se soucie justement peu des laissés pour compte. Le film se transforme en conte moderne, plein d’empathie, avec certes des moments d’abattement mais aussi ses enseignements quasi philosophiques. Les personnages sortent la tête de l’eau car ils le veulent et décident de ne pas s’effondrer.
Il faut un cinéma indépendant US pour oser autant de poésie dans un environnement visiblement anxiogène. Pas d’acteurs connus qui acceptent de jouer pour un cachet qui tient plus de la collusion que de la véritable ambition cinématographique. Le cinéma français devrait parfois y penser au regard de ce Give me Liberty qui évite le pathos et les atermoiements pour une belle leçon de volonté et d’espoir.
Résumé :
Vic, malchanceux jeune Américain d’origine russe, conduit un minibus pour personnes handicapées à Milwaukee. Alors que des manifestations éclatent dans la ville, il est déjà très en retard et sur le point d’être licencié. A contrecœur, il accepte cependant de conduire son grand-père sénile et ses vieux amis Russes à des funérailles. En chemin, Vic s’arrête dans un quartier afro-américain pour récupérer Tracy, une femme atteinte de la maladie de Lou Gehrig. C’est alors que la journée de Vic devient joyeusement incontrôlable…
Sortie : le 24 octobre 2019 Durée : 01h51 Réalisateur : Kirill Mikhanovsky Avec : Chris Galust, Lauren ‘Lolo’ Spencer, Maxim Stoyanov | Genre : Comédie |