La « Phèdre » sous haute tension de Brigitte Jaques-Wajeman

La "Phèdre" sous haute tension de Brigitte Jaques-Wajeman
Phèdre © Cosimo Mirco Magliocca

La « Phèdre » sous haute tension de Brigitte Jaques-Wajeman

Brigitte Jaques-Wajeman convoque « Phèdre » et met en lumière avec l’exigence qu’on lui connait, la complexité de la figure tutélaire, confrontée à la brûlure de l’amour inavouable.

Tragédie du secret, mais aussi de la nécessité d’en découdre par la décision de rompre le silence, Phèdre est considérée comme la pièce la plus réussie de Racine. Parler ou se taire, dissimuler ou confesser, tel est le dilemme ravageur qui alimente sans retour le drame. Pour une héroïne sacrificielle par excellence dont le scandale de la passion incestueuse la renvoie à sa douleur, à sa frustration et à sa dévastation originelle.

Ravagée par la honte et rongée par la jalousie envers sa rivale Aricie, condamnée à une mort certaine, elle est un personnage monstre. Tantôt victime ou bourreau, reine ou amante, perverse ou innocente, elle est celle qui défit l’interdit, l’humain et le divin. Et cette puissance dévastatrice, étendard d’un destin féminin, est aux prises avec une sauvagerie immémoriale mais aussi une ivresse pulsionnelle qui voit les corps se tordre et orchestrer les ravages meurtriers du désir empêché.

Une mise à nu des alexandrins

A l’abri d’une scénographie épurée qui télescope entre ombre et lumière, la temporalité entre l’ici et l’ailleurs, l’ancestrale et le présent, Brigitte Jaques-Wajeman scrute sans relâche à travers la puissance du verbe et son embrasement, les tourments de la passion, littéralement assiégés entre empêchement et exaltation.

Mais aussi leur emprisonnement face à une parole interdite, jusqu’à cet aveu extrême ô combien dévastateur, où les alexandrins portent à leur paroxysme cette tragédie du désir et son refoulement. Là où les pulsions interdites inaugurent du vertige de l’âme et de la raison jusqu’à la perdition.

Ardente, animale, tragique, désarmante, Raphaèle Bouchard est cette Phèdre prédatrice et torturée. Ses partenaires Bertrand Pazos (Thésée), Raphaël Naasz (Hyppolyte), Pauline Bolcatto (Aricie), Sophie Daull (OEnone), qui lui donnent la réplique ne sont pas en reste et accompagnent avec une individualité marquante, cette odyssée mortifère aux confins de la folie.

Dates : du 8 au 25 janvier 2020 – Lieu : Théâtre des Abbesses (Paris)
Metteur en scène : Brigitte Jaques-Wajeman

Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.

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