Les Chiens de Navarre se paye la famille : hilarant

Les Chiens de Navarre se paye la famille : hilarant
Les Chiens de Navarre © Philippe Lebruman

Les Chiens de Navarre se paye la famille : hilarant

Les Chiens de Navarre ont l’habitude de mordre là où ça fait mal. Cette fois, ils s’en prennent à la famille avec pour cette nouvelle création, un titre sonnant comme un avertissement : « Tout le monde ne peut pas être orphelin », qui en dit long sur l’esprit ravageur qui va déferler à tombeau ouvert sur les affres de la si jolie petite famille ! Un jeu de massacre à la hauteur du carnage annoncé où le public installé en face à face, dans une scénographie bi-frontale, assiste, médusé, à l’étrillage qui est l’œuvre.

Car c’est quoi la famille ? : La dinde de Noël ? Des figures imposées ? De l’amour à tout prix ? La reproduction des névroses ? Une surprotection ?. Pour Jean-Christophe Meurisse, c’est avant tout une histoire de violence contre laquelle il lâche sa meute – rejointe par les ex-Deschiens Olivier Saladin et Lorella Cravotta – qui met en charpie le sacro-saint vivre ensemble et son hypocrisie sociale. Jouissif !

La guerre est déclarée

Dans la salle à manger installée entre une cuisine ouverte et un salon planté de son inévitable sapin, les sept comédiens incarnent une famille banale réunie pour un réveillon de Noël au coin du feu. Mais l’ambiance en prend un sacré coup lorsque les parents (les excellents Lorella Cravotta et Olivier Saladin) annoncent à leurs enfants qu’ils comptent vendre la maison pour aller vivre au Portugal. Dès lors, tout part en vrille. Et comme toujours chez les Chiens de Navarre, les réactions sont exacerbées, les saynètes poussées jusqu’à leur paroxysme, dans un déchaînement de violence clownesque.

Une passe d’armes aussi vacharde que cruelle où les parents en anciens soixante-huitards revendiquent sans complexe l’égoïsme d’une génération qui ne laisse derrière elle que des miettes et s’offusquent du conformisme lénifiant de sa progéniture. Un portrait de famille au vitriol où les beaux-enfants sont considérés « encore plus cons » que les enfants tandis que la mère nous renvoie à une Médée dévorante dans une scène gore et d’anthologie !

Passant de l’humour potache aux scènes scato, d’épisodes déjantés à des moments plus poétiques avec la vieillesse du père, la mort de la mère tandis que la voix d’Aznavour entonne « la Mamma », le propos corrosif pointe à gros traits mais avec acuité, les travers de notre époque où se dynamite la relation parents-enfants et se scrute leur rapport au monde d’où émergent immanquablement leurs frustrations, leurs rancœurs, leurs non-dits, leurs névroses et leurs actes manqués.

Dans cet univers dévasté, la famille est un réceptacle où si chacun des membres ne peut tout dire, tous tentent désespérément de s’en sortir à travers leurs instincts de survie.

La mise en scène très maîtrisée et rythmée de Jean-Christophe Meurisse, portée par un collectif au diapason et en osmose totale, accompagne avec brio cette embardée à l’énergie jusqu’auboutiste et galvanisante. Le tout accompagné d’une bande-son aux petits oignons dans le pur esprit de la satire qui vient suspendre et immortalisé le moment fatidique. Bravo !

« On ne délire pas son père et sa mère, on délire le monde » (Gilles Deleuze, l’Abécédaire).

Dates : du 26 au 27 novembre 2021 – Lieu : La Ferme du Buisson (77 Noisiel)
Metteur en scène : Jean-Christophe Meurisse

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Mise en scène
Jeu des acteurs
Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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