Les Estivants d’après Maxime Gorki, mise en scène de Gérard Desarthe, à la Comédie-Française

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© Cosimo Mirco Magliocca

Comédie-Française du 7 février au 25 mai 2015 – Salle Richelieu

Les auteurs russes sont à l’honneur de la saison théâtrale parisienne. Après « Platonov » et « Ivanov » au Théâtre de la Colline et à l’Odéon, c’est la pièce « Les Estivants » qui se joue au Français.

Dans la mise en scène élégante de Gérard Desarthe qui s’appuie sur la version scénique de Peter Stein et Botho Strauss, le spectacle de la vie s’installe, s’immobilise au milieu des bouleaux, résonne de son vertige existentiel, puis explose sous l’injonction “que faire ?” dans une construction aussi aboutie qu’organique, à l’abri du décor onirique de Lucio Fanti

Passionnante comédie humaine de Maxime Gorki, dans une mise en scène inspirée de Gérard Desarthe, elle interroge, à la veille de la révolution russe, le couple, l’engagement, le rôle des intellectuels et l’émancipation des femmes. Mais là où Tchekhov dépeint un homme empêché qui s’ennuie à mourir, Gorki esquisse une prise de conscience susceptible de changer la donne.

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C’est l’été dans la campagne russe. Comme chaque année, une certaine intelligentsia s’y retrouve : avocats, médecins, ingénieurs, entrepreneurs, des bourgeois à la fortune faite mais récente. Les journées s’étirent de bavardages en salon de musique, de lectures en pique-niques. On boit, on s’amuse, les esprits se relâchent, les couples jouent à s’aimer et à se perdre.

Mais cet ordonnancement est troublé par l’arrivée de l’écrivain Chalimov (parfait Samuel Labarthe) qui entre en conflit avec le médecin Maria Ivovna , une intellectuelle engagée (vibrante Clotilde De Bayser).

Or, leur présence et leur souterraine hostilité vont obliger chacun des protagonistes à se positionner, en questionnant sa place et sa responsabilité dans la société. Car si pour certains, elle est la juste récompense de leurs efforts, pour d’autres elle marque un repli égoïste, un oubli coupable et dangereux du monde qui les entoure.

Le tout étant propice à une fracture de la cohésion du groupe et à l’émergence d’individualités où entre confidences et affrontements apparaissent les idéaux reniés, les amours inassouvis, les lâchetés, les abandons, les déceptions, et les espoirs d’émancipation.

Gorki fait le constat très visionnaire de l’impossibilité d’envisager l’identité collective d’une classe (en l’occurence celle d’un groupe d’intellectuels) tant l’affirmation de la singularité de ses membres est devenue  incontournable à l’expression d’un dessein individuel.

La distribution est à l’unisson (mention spéciale à Sylvia Bergé, éblouissante de candeur et de sensibilité retenue dans le rôle de Warwara, femme de Bassov) où chacun des 15 comédiens parfaitement dirigés, donne corps et âme à ce concentré d’humanité, porteur d’un destin à assumer

Et ce sont les femmes qui initient le changement, revendiquent l’action face à des hommes faibles, lâches, compromis et machistes.

La pièce est une critique féroce de l’intelligentsia russe issue du peuple mais dont la réussite sociale lui a fait oublier ses origines en la rendant sourde, conformiste, passive et fataliste face à un monde qui s’effondre, ébranlé par la désespérance. Elle fait pleinement écho à la déconnexion aujourd’hui des élites qui privilégient une posture au détriment de l’action où les classes populaires ne s’estiment plus représentées, ni entendues.

LES ESTIVANTS (Gerard DESARTHE) 2015

Dans la mise en scène élégante de Gérard Desarthe qui s’appuie sur la version scénique de Peter Stein et Botho Strauss, le spectacle de la vie s’installe, s’immobilise au milieu des bouleaux, résonne de son vertige existentiel, puis explose sous l’injonction “que faire ?” dans une construction aussi aboutie qu’organique, à l’abri d’un décor onirique de Lucio Fanti.

La distribution est à l’unisson (mention spéciale à Sylvia Bergé, éblouissante de candeur et de sensibilité retenue dans le rôle de Warwara, femme de Bassov) où chacun des 15 comédiens parfaitement dirigés, donne corps et âme à ce concentré d’humanité, porteur d’un destin à assumer…

Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.

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