Platonov de Anton Tchekhov par le collectif les Possédés, à Paris puis à Colombes

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La Colline – Théâtre national du 8 janvier au 11 février 2015
Grand Théâtre – durée 3h30 avec entracte

A l’Avant Seine / Théâtre de Colombes le 13 février 2014
Parvis des Droits de l’Homme
88 rue Saint Denis
92700 Colombes

Anton Tchekhov a 18 ans quand il écrit Platonov. Pourtant, cette pièce de jeunesse est une œuvre majeure : elle contient, en puissance, tout le théâtre du dramaturge russe du XIXème siècle profondément ancré dans une crise existentialiste face à un monde finissant.

Si le paradis de Tchekhov est déjà perdu, le Platonov des Possédés, dans sa relecture audacieuse et convaincante dirigée par Rodolphe Dana, n’est nullement emprunt de nostalgie ni de tristesse, mais d’un espoir brûlant en l’amour pour se consoler de son destin en exacerbant, le temps d’un été, son désir de vivre.

Aucun climat d’ennui ni de torpeur dans cette nouvelle version de la pièce mais une énergie folle, festive, drôle, ludique, inventive, profonde, où chacun des protagonistes face à l’incertitude du monde, cherche éperdument à se sauver dans l’autre afin de se sauver lui-même

Et ce Platonov là est magistralement porté par le collectif où chacun des comédiens est habité par ces personnages à la recherchre de sens et d’étourdissement.

On se retrouve pour un dernier été dans la propriété d’Anna Petrovna (ardente Emmanuelle Devos), une jeune veuve accablée de dettes. Il y a là des aristocrates oisifs, des propriétaires fonciers, des bourgeois avides, des piques assiettes, des jeunes femmes romantiques. Des privilégiés qui refusent le monde de leurs pères et vivent dans le cynisme et la décadence sans avoir à proposer autre chose.

La distribution est au diapason avec dans les rôles titres Rodolphe Dana qui incarne à la perfection ce Platonov aux prises avec ses incertitudes insurmontables, à la fois séducteur et dépossédé de sa vie, tandis qu’Emmanuelle Devos a la fêlure romanesque de cette vibrante humanité tchekhovienne

Et au milieu de tous, Platonov (ombrageux Rodolphe Dana), surnommé le Hamlet local malheureux dans son couple. Un intellectuel velléitaire, insolent, qui fascine et séduit toutes les femmes, et se trouve le pivot malgré lui de cette microsociété. Provocateur et manipulateur, il aiguise sa frustration et se délecte d’une nécessaire confrontation avec son entourage.

Faisant preuve d’une causticité précoce, Tchekhov dresse dans sa pièce le portrait d’une société sur le déclin, en perte de repères comme la nôtre aujourd’hui, pétrie de valeurs auxquelles elle ne croit plus que par lâcheté et résignation : les pères, la famille, l’amour conjugal, la religion.

Mais ou seuls les désirs : d’aimer, d’amitié, de s’enrichir, de se réaliser, de s’étourdir apparaissent alors comme le dernier rempart contre le néant existentiel.

« Je suis en train de me perdre », dit-il, torturé par ses pulsions contradictoires. « Trop de passion et pas assez de force », poursuit-t’il encore, dans une efficace traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan.

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Aucun climat d’ennui ni de torpeur dans cette nouvelle version de la pièce mais une énergie folle, festive, drôle, ludique, inventive, profonde, où chacun des protagonistes face à l’incertitude du monde, cherche éperdument à se sauver dans l’autre afin de se sauver lui-même.

Platonov est une pièce fleuve à la fois comique, tragique, sentimentale, brutale, elle offre au collectif tout un registre de jeu dont il s’approprie avec une grande fluidité par un jeu très corporel et libéré des codes traditionnels de la théâtralité.

Les comédiens évoluent dans un décor de désordre apparent où la troupe dans une osmose toujours juste, touche à l’essentiel pour faire corps et âme avec ses personnages et leur quête existentielle.

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La distribution est au diapason avec dans les rôles titres Rodolphe Dana qui incarne à la perfection ce Platonov aux prises avec ses incertitudes insurmontables, à la fois séducteur et dépossédé de sa vie, tandis qu’Emmanuelle Devos a la fêlure romanesque de cette vibrante humanité tchekhovienne.

Et quand les espoirs tournent courts « que faire ? Enterrer les morts et réparer les vivants »

Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.

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