Odéon-Théâtre de l’Europe du 28 mai au 28 juin 2015
Aux Ateliers Berthier – durée 2h
De « Liliom », Ferenc Molnar (1878-1952) indiquait : « c’est une histoire de banlieue de Budapest aussi naïve et primitive que celles qu’ont coutume de raconter les vieilles femmes de Josefstadt ».
[pull_quote_center] Jean Bellorini, à l’abri d’un regard onirique et sensible, réussit une mise en scène enivrante et foisonnante à la fois terrienne et décalée qui colle parfaitement à l’univers paradoxal des protagonistes.[/pull_quote_center]
Des hommes et des femmes entravés socialement et culturellement qui sont à la lisière de la ville, là où les valeurs et les lois n’ont plus cours, là où les institutions n’éduquent et ne protègent plus.
Là pourtant où, si aucune réalisation personnelle n’est tangible, le rêve d’un ailleurs est encore possible.
Un monde en marge et à l’écart donc où la modernité du propos de la pièce n’en est que plus saisissante mais dont l’intrigue ne se réduit pas à son contexte social mais à une exploration des ressorts de cette matière humaine brute, qui dans une communion éphémère, défie à la vie à la mort une existence empêchée.
Et Jean Bellorini, jeune directeur du Théâtre Gérard-Philipe, à l’abri d’un regard onirique et sensible, réussit une mise en scène captivante et foisonnante à la fois terrienne et décalée qui colle parfaitement à l’univers paradoxal des protagonistes.
Liliom, le bonimenteur de fête foraine, est une petite frappe, un frimeur, un charmeur. L’air de ne pas y toucher, il a emballé Julie sur le manège de Madame Muscat, à la gouaille de tenancière de bordel, qui ne l’a pas vu d’un bon œil et l’a donc congédié. Julie, elle, est tombée raide dingue de ce futur chômeur. Avant qu’elle ne soit enceinte et que Liliom ne décide de participer à un casse afin de les mettre à l’abri du besoin. Mais les choses tournent mal car sur le point d’être arrêté et afin d’échapper à la justice, il se suicide.
[pull_quote_right]La scénographie, articulée pour recevoir plusieurs registres du drame au burlesque en passant par l’intime et l’irréel, matérialise avec inventivité et fluidité l’univers singulier et transgressif de la fête foraine. Tandis que la traduction du texte aux accents triviaux mais sur un ton toujours distancié et un chœur musical teinté de mélancolie rendent compte d’une urgence de vivre.[/pull_quote_right]
La pièce bascule alors… dans l’au-delà : un ciel aux airs de commissariat où les anges sont des détectives. Liliom pourra redescendre un jour sur terre pour faire « quelque chose de beau ». Mais aura-t-il les moyens de ce rachat ?.
photo© Pascal Victor
Et dans ce lieu de foire reconstitué par le metteur en scène qui installe grandeur nature sur le plateau une manège d’auto-tamponneuses s’entrechoquant pour de vrai ainsi qu’une grande roue étoilée, les rêves tournent en rond et le destin se confisque parce que d’emblée limités à une misère intellectuelle, émotionnelle et matérielle.
Pourtant chez ces anti-héros le besoin de ressentir est brûlant mais déconnectés de leurs émotions et de leurs sentiments qu’ils ne peuvent pas formuler, ils en sont réduits à une expression rude et instinctive.
La scénographie, articulée pour recevoir plusieurs registres du drame au burlesque en passant par l’intime et l’irréel, matérialise avec inventivité et fluidité l’univers singulier et transgressif de la fête foraine. Tandis que la traduction du texte aux accents triviaux mais sur un ton toujours distancié et un chœur musical teinté de mélancolie rendent compte d’une urgence de vivre.
Julien Bouanich est un Liliom attachant, à la présence solaire et vibrante tandis que Julie (Clara Mayer) est une femme amoureuse mutine et captive. Quant à Delphine Cottu qui interprète Mme Muscat la responsable du manège, elle est mordante dans un jeu à la fois goguenard et maîtrisé.
Un conte d’aujourd’hui qui nous entraîne dans les méandres d’une destinée espérée mais empêchée.