L’origine de la violence : quand le passé fait de l’ombre à l’avenir

L’origine de la violence
L’origine de la violence Photo © L’Origine Productions

L’origine de la violence : quand le passé fait de l’ombre à l’avenir

Adapté du livre éponyme de Fabrice Humbert, L’Origine de la violence retrace l’histoire d’un homme à la recherche de ses origines. Réalisé par Elie Chouraqui, il sortira en salle le 25 mai 2016.

La judéité, l’antisémitisme, la Seconde Guerre Mondiale sont des sujets récurrents dans la filmographie du réalisateur, des obsessions certainement liées à ses propres origines juives. On peut citer son précédent film, Ô Jérusalem, qui abordait l’immigration juive et les dérives d’une amitié judéo-arabe devenue impossible ou encore, plus modeste, le documentaire Antisémitisme, la parole libérée au titre des plus éloquents. Ainsi, adapter le roman de Fabrice Humbert était un défi taillé pour lui.

[…] ce film est une histoire de famille et une quête d’identité.

L’origine de la violence est une histoire de famille et une quête d’identité. Nathan Fabre, professeur de français, fait une thèse sur la résistance sous l’occupation nazie. Pour ses recherches, il se rend en Allemagne où il rencontre Gabi. Il en tombe amoureux. Tous les mercredis, il mange du foie de veau et du céleri avec son père au même restaurant. Parfois, il rend visite à son grand-père et sa grand-tante, Marcel et Clémentine Fabre qui habitent un fastueux manoir.
Cette pièce-montée familiale est garnie de silence. Tout le monde se cache derrière sourire et bonne humeur. Et les silences font plus de mal que les mots, ils empêchent les blessures de cicatriser notamment celles de Nathan qui est un homme tourmenté. Il lutte contre un ennemi invisible qui l’habite depuis l’enfance. Pour s’en défaire ou l’oublier, il a choisi la violence. La violence est l’expression extérieure de son mal-être. Il ne sait pas contre quoi il se bat, il tente d’exorciser des démons qu’il ne comprend pas. Lorsque Nathan, au camp de Buchenwald, découvre une photo d’un déporté qui ressemble trait pour trait à son père dans sa jeunesse, il va tenter de briser ces silences, d’interroger, de remonter dans le passé, bref, de chasser ses démons. C’est en questionnant ses origines qu’il va se réconcilier avec lui-même. Il part à la recherche de son identité, cette partie de lui manquante qui le faisait tant souffrir.

Emouvant et élégant, L’origine de la violence est un film aux multiples facettes qui abordent – parfois rapidement – des sujets difficiles : le poids des secrets, la définition de la famille, l’amour tragique, Le régime nazie … lourd de thèmes aussi graves et de la souffrance inhérente. Pour que la quête de Nathan aboutisse, il doit savoir et pour savoir, il doit accepter de souffrir car les secrets les mieux gardés sont les plus difficiles à accepter. Des éclats de gaité et d’insouciance parsèment le film pour lui donner un peu de légèreté.
Les personnages secondaires sont lumineux, davantage que le protagoniste, notamment la grand-tante au sourire et à l’espièglerie irrésistible et Gabi pour son allant, son charme. Un autre personnage hante le film : la mort. Toujours présente, elle ne se matérialise pourtant jamais, on ne la voit pas. On s’arrête à son seuil comme par pudeur ou par élégance de sa part et de celle du réalisateur.
L’origine de la violence, une belle fresque familiale en deux temps : le temps d’avant et le présent. Les flashbacks qui nous transportent à l’époque de la France sous l’occupation nazie fournissent la dose d’action qu’il manquerait autrement.
Une tranche de vie tourmentée à croquer si notre appétit ne veut pas manger trop léger.

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L’origine de la violenceLors d’un voyage en Allemagne, un jeune professeur, Nathan Fabre, découvre au camp de concentration de Buchenwald la photographie d’un détenu dont la ressemblance avec son propre père, Adrien, le stupéfie.
De retour en France, le souvenir de cette photographie ne cesse de l’obséder. Face au silence de son père, il décide alors de se pencher sur l’histoire de sa propre famille. Les secrets qu’il y découvre bouleversent son existence.

À l’issue de sa quête, Nathan comprendra que le passé, même enfoui au plus profond des mémoires, finit toujours par ressurgir…

Sortie : le 25 mai 2016
Durée : 1h50
Réalisateur : Élie Chouraqui
Avec : Richard Berry, Stanley Weber, César Chouraqui
Genre : Drame

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NOS NOTES ...
Originalité
Scénario
Réalisation
Jeu des acteurs
Olivia Bugault
Fraîchement débarquée sur Publik'art en cette année 2016, Olivia goûte bien trop la littérature, le cinéma et le théâtre ... bref la culture ! pour ne pas s'en mêler par la plume. Ainsi elle vous livre ses analyses sans oublier au passage de saluer bien bas chaque artiste que la critique soit bonne ou mauvaise.
lorigine-de-violence-passe-de-lombre-a-lavenir L’origine de la violence : quand le passé fait de l’ombre à l’avenir Adapté du livre éponyme de Fabrice Humbert, L’Origine de la violence retrace l’histoire d’un homme à la recherche de ses origines. Réalisé par Elie Chouraqui, il sortira en salle le 25 mai...

2 Commentaires

  1. L’Origine de la violence (5/5) revient sur un épisode douloureux de l’histoire de l’humanité, en insistant non seulement sur la souffrance mais sur l’ambiguité de l’époque. Elie Chouraqui choisit de montrer la Shoah sous un angle romanesque tragique en extrapolant d’un cas unique pour faire ressortir les mécanismes psychologiques expliquant l’inexplicable. Avec un recul et un parti pris que je n’avais personnellement jamais vu si judicieusement porté à l’écran. Ce film est juste foudroyant d’intelligence. Pas de pathos ou de grand procès, juste un brillant éclaircissement.

    La Shoah est un sujet abondamment traité au cinéma avec une kyrielle de films inoubliables. La Liste de Schindler, Black Book, La vie est belle, Le pianiste, Le Choix de Sophie, The Reader, la liste est longue. Comprendre la seconde guerre mondiale et le processus méthodique d’extermination de millions d’individus dépasse l’entendement. La réflexion associe les mots barbarie et monstruosité, l’imagination fait le reste. Hors, ce furent bien des hommes aux manettes, sans longues dents ni griffes acérées. A une époque où les super héros portent des capes et où les méchants font des têtes pas possibles, il faut restituer les choses dans leur contexte. Les nazis faisaient parti d’un système, froid et implacable, mais suffisamment bien huilé pour emporter l’adhésion de millions d’individus et devenir affreusement banal.

    On en revient au concept brillamment échafaudé par Hannah Arendt sur la banalité du mal. On prête souvent des visages sadiques et fielleux aux chefs de camp. Ralph Fiennes dans La Liste de Schindler en Amon Göth a un visage pas possible par exemple, il exsude le sadisme par tous les pores, il ne peut qu’être un enfoiré en phase terminale d’atrocité. Mais est-ce si simple? L’Origine de la violence raconte l’histoire d’un individu qui tente de retracer son histoire familiale tandis qu’il croit reconnaitre son père en habit de détenu sur une photo d’époque entrevue à Buchenwald. Nathan Fabre (Stanley Weber) remonte le fil de l’histoire jusqu’à découvrir une vérité soigneusement cachée sous le tapis. Son père Adrien Fabre (Richard Berry) et son grand père Marcel Fabre (Michel Bouquet) en disent peu ou ne disent rien du tout. A lui de tout découvrir.

    Au fur et à mesure de ses recherches et des discussions avec des survivants de l’époque, c’est non seulement la cruauté de l’époque qui apparait mais également son ambivalence. Plusieurs épisodes insistent pertinemment sur un pan entier de l’histoire habituellement passé sous silence. Car la recherche de coupables tend à simplifier les choses, à les rendre manichéennes à tout prix, avec des gentils et des affreux. Le film montre, au contraire, qu’au lieu de scinder à tout prix les lignes, il faut comprendre l’ambiguité de la situation. Ainsi quand un survivant déclare qu’au contraire des images souvent relayées, les détenus riaient dans les camps. Car c’est simplement humain et nécessaire pour conjurer la peur. A part dans La vie est belle, film qui utilise le rire comme moyen de mise à distance, je ne me souviens pas d’avoir vu un film avec des détenus en train de rire…

    Pareillement, quand l’affreux chirurgien explique à Nathan qu’il est facile de réagir des années après sans rien comprendre de l’esprit de l’époque. Je trouve ça personnellement admirable. Il ne tente pas de se dédouaner mais de mettre les choses en perspective, et cette perspective vient souvent à manquer. Pour bien comprendre la souffrance, il ne faut pas seulement parler au coeur, mais également à l’esprit, et c’est ce qu’Elie Chouraqui rend perceptible. Il n’insiste pas lourdement et simplement sur la souffrance mais il resitue dans un contexte. Et si le héros, qui n’a pas connu les années 40, vit si mal sans savoir pourquoi, c’est justement parce qu’il lui manque les éléments de compréhension, que sa famille finira par lui révéler. Car la vérité est souvent bien plus compliquée que ce qu’en disent les médias…

    Un film à découvrir absolument. Si le traitement formel reste classique et que les acteurs jouent leur partition honnêtement, c’est surtout la portée philosophique du film qui en fait un incontournable du cinéma. A découvrir!

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