« Marius » : haut les cœurs avec Joël Pommerat
Le texte de Pagnol est aujourd’hui revisité par Joël Pommerat et ses comédiens, dont trois détenus sortis de prison ont rejoint sa troupe.
Dans cette nouvelle version proposée par Pommerat, la légèreté et la candeur originelles cèdent la place à une vérité plus sociale, plus âpre, plus existentielle, qui se nourrit notamment du travail de création théâtrale que le metteur en scène mène depuis dix ans dans une prison française.
Enrichi de l’expérience, de la vie et de l’imaginaire des interprètes, le texte de Pagnol, librement réadapté, se charge d’interrogations humaines profondes, troublantes et captivantes.
S’il garde le contexte marseillais, Pommerat l’ancre dans le monde contemporain avec ses violences sourdes qui scrutent sans relâche les conflits intérieurs et la complexité des relations humaines.
Aujourd’hui, César tient une boulangerie-sandwicherie, Fanny travaille dans un salon de coiffure et Panisse possède des magasins de scooters.
Comme chez Pagnol, la pièce raconte l’histoire d’un homme tiraillé entre son devoir de fils, son amour pour une femme et un désir irrépressible de vivre une autre vie que la sienne.
Marius voudrait prendre le large, mais il se résigne à rester pour aider son père, César, à la tête d’une affaire mal-en-point. Avec Fanny, une coiffeuse du quartier, ils vivent une histoire d’amour en pointillé qui peine à se concrétiser pleinement.
Une vérité humaine
À la manière d’un conte initiatique si propre à l’écriture de Pommerat, le spectacle nous confronte à des questions essentielles : qu’est-ce que réussir sa vie ? Est-il possible de tout recommencer ? La fuite est-elle raisonnable ? L’amour d’un père est-il toujours émancipateur ?
Une vérité humaine qui sonne juste, là où le geste de mise en scène de Pommerat, révélateur de son histoire de théâtre, n’est pas seulement de raconter la société ou le politique, mais aussi d’habiter un univers sensible : plateau dépouillé tout en étant naturaliste, vérité des acteurs, mise en valeur de la parole et du corps du comédien dans l’espace scénique mais solitude de ces corps ou du groupe, utilisation d’extraits musicaux qui impriment une étrange mélancolie et un échappatoire.
On y devine le mystère, l’intranquillité, la solitude et un présent aussi inaccompli qu’immobile.
L’humour y affleure sans cesse, notamment dans les rapports entre les personnages et la fameuse partie de cartes propice, entre joueurs du quartier, à des échanges épiques et roublards.
Dans ce théâtre narratif et de silence, les comédiens, d’une pudeur rare, imposent un jeu sans ostentation. Un jeu qui teinte à nul autre pareil la fiction du réel, jusqu’à frayer au plus près d’un théâtre d’émotions et de vérité extrême, entre humanité, tendresse et gravité mêlées. Des comédiens d’une intensité inouïe.
Dates : du 29 novembre au 8 décembre 2024 – Lieu : MC93 Maison de la Culture de Saint-Denis (Bobigny)
Mise en scène : Joël Pommerat
Tournée :
Du 12 au 14/12/2024 la Merise (Trappes)
Du 18 au 19/12/2024 à la Ferme du Buisson (Noisiel)
Du 7 au 11/01/2025 au Théâtre du Gymnase (Marseille)
Du 29 au 31/01/2025 au Théâtre de l’Union (Limoges)
Du 04 au 05/03/2025 au Cratère (Alès)
Du 12 au 21/03/2025 à La Comédie de Genève (Suisse)
Du 02 au 03/04/2025 au Parvis (Tarbes)
Du 23/04 au 03/05/2025 au TNS (Strasbourg)
Du 06 au 07/05/2025 à la Scène Nationale Grand Narbonne (Narbonne)
Du 20 au 22 mai 2025 au Bateau Feu (Dunkerque)
Du 10 au 11 juin 2025 à l’Avant Scéne (Colombes)