Le soleil semble illuminer le Théâtre Noir au Lucernaire pendant la représentation de Naïs, les cigales chantent avec un bruit assourdissant et les senteurs de la garrigue se diffusent dans la salle. Sur scène, 2 comédiennes et 4 comédiens chantent l’accent du Sud dans un drame solaire qui rappelle Jean de Florette et Manon des Sources, les 2 œuvres les plus connues de Marcel Pagnol. Les hommes ont le sang chaud et tiennent les femmes sous une emprise mentale héritée de la nuit des temps. Le drame n’est pas loin dans ce moment de théâtre puissant et émouvant.
L’amour au temps des cigales
Pour ceux qui ne le savent pas, Naïs est un film français réalisé par Raymond Leboursier et Marcel Pagnol en 1945 d’après Naïs Micoulin, une nouvelle d’un autre auteur du Sud, Émile Zola. Dans ce film, Toine le bossu est interprété par Fernandel avec une grande humanité. Personnage central du film, dramatique et touchant, il est amoureux de la belle Naïs, tenue d’une main de fer par le père Micoulin, peu enclin à la laisser fricoter avec son prétendant venu de la ville, Frédéric. Le film reprend le thème principal de la nouvelle de Zola, l’impossibilité de communiquer découlant des univers différents dans lesquels vivent les personnages, la ville bourgeoise pour Frédéric, la Provence campagnarde pour la famille Micoulin. Arthur Cachia et sa prothèse dorsale (le bossu, c’est lui!) adapte le scénario du film et sa fin heureuse dans une pièce qui tient en haleine tout du long avec son drame à la fois amoureux et social. Le personnage est tiraillé entre sa loyauté pour l’atrabilaire père Micoulin (Patrick Zard) et son amour secret pour Naïs (Marie Wauquier). Ami du futur avocat séducteur Frédéric (Kévin Coquard) couvé par sa mère protectrice (Lydie Tison), il est pris dans une spirale contradictoire de sentiments qui émeut en ravivant des temps anciens où les parents enfermaient volontiers leurs progénitures dans un carcan aussi austère qu’inexorable. Ecrite en 1883, la nouvelle parle d’une jeune femme aussi belle que farouche et d’une lutte silencieuse entre traditions rigides et aspirations à la liberté où les sentiments de vie et de mort se confrontent dans un emballement inexorable. La mise en scène épurée de Thierry Harcourt (L’amante anglaise, Les Chaises) laisse toute la place aux comédiens avec un minimum de décors tout juste évocateurs, une chaise, un filet de pêche. Le texte est tout empreint de cet accent du Sud, chantant, parfois faussement comique mais à prendre toujours au sérieux.
Le spectacle dure 1h10 pour une intrigue ramassée et menée tambour battant. Les spectateurs sont conquis par l’art des comédiennes et comédiens pour aviver des sentiments vrais tout au long d’une pièce qui enchante par son intensité.
Synopsis:
UN SECRET DE DIEU QU’ON N’A JAMAIS SU
Toine est bossu et souffre de son handicap. Il est amoureux de Naïs, fille d’un paysan violent. Naïs, elle, est amoureuse de Frédéric, jeune homme issu d’une famille bourgeoise. L’été arrive et les jeunes amoureux se laissent aller à des plaisirs que leur condition sociale ne leur permet pas… Naïs est un drame d’Émile Zola adapté au cinéma par Marcel Pagnol. On y retrouve à la fois la puissance et la cruauté d’Émile Zola, enrobées de l’humour et de la poésie propres à Marcel Pagnol. C’est un monde de poésie qui s’ouvre devant nous, et tous ses personnages, aux caractères bien trempés, nous emportent dans un tourbillon de sentiments.
Une histoire et des personnages d’une rare humanité qui nous touchent en plein coeur.
Détails:
Mercredi < samedi 18h30 | Dimanche 15h00