« Nosztalgia Express », le voyage psychédélique et enlevé de Marc Lainé
Marc Lainé continue de jouer avec les récits archétypiques de la culture populaire dans une enquête haute en couleur et des décors d’inspiration sixties de toute beauté en s’amusant, cette fois, à mélanger les genres. Avec sa galerie de personnages décalés, « Nosztalgia Express » oscille entre le roman d’espionnage et la comédie musicale pop, et fait entrer en collusion fiction intime et grande histoire.
Au fil d’une intrigue qui se joue de Paris à Budapest entre 1956 et 1968, au moment où l’utopie communiste se fissure, la pièce déploie un scénario gigogne dans lequel présent, flash-backs, faits historiques et fantasmes s’entrechoquent sur fond de mélodrame à rebondissements et comédie loufoque.
Il faut un peu de temps pour s’immerger dans cet univers baroque, parfois appuyé, qui souligne l’extravagance des situations et leur décalage mais où les personnages au fil du show gagnent en épaisseur et nous accrochent à cette histoire pour ne pas nous lâcher.
Une mise en scène enlevée
1956 : Daniel Valentin et sa mère prennent un train en direction de Strasbourg. Cette ville n’est qu’une étape vers une destination plus lointaine, dont l’enfant de neuf ans ignore le nom. Après un dialogue avec un autre passager, Simone Valentin fait descendre son fils sur le quai de la gare et disparaît définitivement. 1967 : chanteur de variété à succès, « Danny » Valentin est en proie à une infinie mélancolie qui l’empêche de créer. Pour y remédier, son imprésario engage un détective privé. Débute une enquête à l’esthétique psychédélique propulsant Danny et ses proches en Hongrie sur les traces de sa mère.
Entrecroisant quête d’identité, fiction politique, espionnage, drame, farce, dans une fluidité parfaite, cette épopée qui se décline en plusieurs tableaux : studio d’enregistrement, train, chambre d’hôtel, salle de spectacle, affirme les qualités d’auteur de Marc Lainé et sa maîtrise esthétique pour créer des ambiances et un espace temps fluctuant, en les inscrivant en symbiose avec la narration et ses turbulences liées à une introspection intime mais aussi au destin d’une nation.
Des rideaux psychédéliques aux motifs en forme de vague en passant par des costumes chamarrés ultra seventies à l’instar des décors, des images d’archives, sans oublier les lumières très travaillées et dorées, sur une musique pop aux accents mélancoliques, tels sont les ingrédients d’une mise en scène enlevée au service d’une fiction plurielle dont l’expression esthétique renvoie aussi à la complexité de la psyché humaine du personnage principal et aux soubresauts du monde, aux prises entre utopies et réalités.
Les comédiens et comédiennes jouent et chantent sur les compositions d’Émile Sornin alias Forever Pavot, comme à la grande époque de Jacques Demy. François Sauveur en oreille de Moscou est irrésistible tandis que Thomas Gonzalez dans le rôle de l’impresario, est d’une énergie fantasque à la mesure de ses coups de sang et de son costume violet à rayures blanches qui lui sied à merveille !
Dates : du 14 au 23 juin 2022 – Lieu : Théâtre de la Ville Les Abbesses (Paris)
Texte et mise en scène : Marc Lainé