« Pelléas et Mélisande » : le clair-obscur poignant de Julie Duclos

"Pelléas et Mélisande : le clair-obscur poignant de Julie Duclos
Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck, mise en scène Julie Duclos, photo © Simon Gosselin

« Pelléas et Mélisande » : le clair-obscur poignant de Julie Duclos

Julie Duclos relève le défi de mettre en scène « Pelléas et Mélisande » et s’empare avec un geste fort, de la langue évocatrice de Maurice Maeterlinck (1862-1949), dont les personnages semblent toujours en proie à une force invisible.

L’intrigue est celle d’un amour impossible qui s’inspire de la légende médiévale de Tristan et Iseult. Lors d’une partie de chasse, Golaud, prince au royaume imaginaire d’Allemonde, se perd dans la forêt et rencontre Mélisande en pleurs au bord d’une fontaine. Il décide de la prendre pour femme et rentre dans son domaine sans ne rien connaitre de son passé.

Mélisande y rencontre Pelléas, le demi-frère de Golaud et très vite ils tombent amoureux, alors que le pays s’enlise dans les conflits et s’obscurcit à mesure que la vie du père de Pelléas s’amenuise dans une chambre du château. Geneviève, mère des deux princes, et Arkel, souverain d’Allemonde, pressentent le malheur qui plane, impuissants.

Golaud, s’percevant du lien qui réunit les deux jeunes amants, se consume peu à peu dans la jalousie tandis que son fils, Yniold, né d’un premier lit, devient le témoin et le complice de sa souffrance. Rongé par le désespoir et la rage, il tue son frère Pelléas et blesse grièvement Mélisande qui s’éteindra, emportant avec elle ses lourds secrets, sans que Golaud ne parvienne à établir la vérité des sentiments qui l’unissaient à Pelléas.

Une inquiétante étrangeté

Pour faire entendre cette écriture entre ciel et terre, entre le visible et l’invisible, où le rapport amoureux se joue dans le silence et l’interdit, Julie Duclos installe une inquiétante étrangeté, qui saisit les personnages aux prises entre un appel intérieur plus fort qu’eux et la réalité contrariée de leur destin.

Elle orchestre une scénographie mouvante d’Hélène Jourdan où la vidéo et le théâtre se confondent, multiplient les plans, les axes et les angles. Un procédé dramaturgique qui donne toute sa part à la dimension concrète mais aussi allusive et allégorique de l’œuvre, rappelant que le symboliste belge a toujours cherché à voir le monde par-delà les apparences.

Sur le plateau, le décor cristallise une ambiance crépusculaire et chaotique, dans un environnement et un monde intérieur au bord du gouffre.

De l’intérieur à l’extérieur, d’une pièce du château à l’autre, l’espace scénique plongé dans des clairs-obscurs de Mathilde Chamous, ouvre ou délimite la perspective et embrasse à merveille le conte métaphorique et sa noirceur. Où ses personnages font corps avec les éléments naturels, opaques du Royaume d’Allemonde dont leur inconscient en est le miroir trouble et réfléchissant.

D’une atmosphère de fin du monde, rappelant le film Melancholia de Lars von Trier ou le cinéma de Tarkovski, au personnage de Mélisande dont on ne sait rien si ce n’est qu’elle a connu des souffrances insondables, la mise en scène se charge du drame énigmatique empreint de mystères, de secrètes motivations et de passion inaccomplie.

Alix Riemer est une Mélisande femme-enfant à la fragilité de porcelaine tandis que Matthieu Sampeur (Pelléas) incarne un amoureux candide. Quant à Vincent Dissez, proprement habité dans le rôle de Golaud, il est cet homme à la mélancolie fiévreuse et brisé par la jalousie.

Dates : du 25 février au 21 mars 2020 – Lieu : Ateliers Berthier (Paris 17ème)
Metteur en scène : Julie Duclos

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Mise en scène
Jeu des acteurs
Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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