Mon premier Festival de Cannes
On la reconnait dès qu’on lève les yeux au ciel, chahuté par un balai de petits avions à réacteur. Depuis le 11 mai, la Ville de Cannes a laissé place au Festival. Les jets privés abondent sur ce petit bout du monde où tous les regards se tournent. Les voitures de luxe donnent le change aux yachts gargantuesques. Si la culture s’intéresse à L’Homme d’argent – éternelle figure de cinéma – à Cannes, c’est l’Homme d’argent qui vient au cinéma. Une fascination réciproque qui vaut au Festival de Cannes une place hors norme dans le monde.
La bonne nouvelle, c’est que j’ai un point commun avec l’Homme d’argent. En tant qu’homme, donc, il me fallait bien vivre l’expérience d’un voyage dans les entrailles du cinéma du monde.
Arrivé cinq jours après l’ouverture, faute de budget suffisant (les loyers étant inabordables pour ces deux semaines un peu particulières pour les cannois), je prends le pouls d’un Festival en vitesse de croisière. Installé à 45 minutes du Festival, j’emprunte le bus pour m’y rendre. A l’intérieur, tous portent leur badge. Il me reste trois quart d’heures de trajet mais je suis déjà au Festival. Arrivé à bon port, je dévale les rues qui descendent jusqu’à la mer. Il est 9h. Le monde est déjà levé depuis longtemps. A chaque croisement de ruelles, j’assiste à un fourmillement de personnes qui convergent vers l’épicentre : le Palais des Festival et des Congrès de Cannes. 4000 journalistes, 90 nations. On entend même certains dire que Cannes est la seule ville qui compte plus de journalistes que d’habitants.
Une fois sur place, on fait face à une organisation quasi-militaire. Chaque centimètre carré est sectorisé, compartimenté, contrôlé et recontrôlé. On est plus proche de la vérité en disant qu’il y a au moins autant de vigiles que de journalistes. Le plan vigipirate est sur les dents. Je retire mon badge d’accréditation, je découvre mon casier qui déborde de dossiers de presse et je teste les checkpoints. Ne sachant pas mon degré d’accréditation, j’ai droit à quelques regards incertains la plupart du temps suivis d’un soulagement mêlé de satisfaction (« là, je passe ») bien qu’on m’invite parfois à faire demi-tour (« Vous cherchez quelque chose »?). Tout le palais est recouvert de moquette rouge. La presse est soignée et ne manque de rien dans ses quartiers. Il ne me reste qu’à monter les marches pour assister aux projections du prestigieux Grand Théâtre. Ce sera chose faite, emboitant le pas à l’équipe du film de Jim Jarmush : Paterson.
Encore deux autres films (Câini de Bogdan Mirica et Hell or high water de David Mackenzie) et je me sens comme une petite poussière dans l’édifice du monde. Ce soir, c’est sûr, je vais pouvoir rayer un truc de ma To do list. Et ce ne sera pas seulement écrire un article au milieu de la nuit.
Bref, j’y suis ; mon premier Festival de Cannes commence.