Quartiers libres : la liberté d’exister de Nadia Beugré
Ce sont pour elle des Quartiers Libres, du titre du spectacle. Nadia Beugré, danseuse et chorégraphe ivoirienne, se met en scène et invente des formes, des façons d’être, pas nécessairement dansées, mais toujours hypnotiques. Avant même d’entrer en scène, elle interpelle le spectateur. Sa place sera ici, sur le plateau, au cœur de la représentation. Comme un chœur, le public sera alors happé par la danse très personnelle, et parfois effrayante, de la danseuse ivoirienne.
Dates : du 14 au 17 octobre 2015
Lieu : Le Tarmac (Paris)
Metteur en scène : Nadia Beugré
Coryphée, elle orchestre nos mouvements – pour mieux voir, ou bien parce que l’on se trouve sur son passage – par les siens. Le spectateur devient son plateau, et elle évolue dedans avec une habileté remarquable, donnant à chacun son point de vue, cherchant l’interaction.
Tantôt possédée par des mouvements presque convulsifs, tantôt éclatant d’un rire détaché face à sa propre prestation, celle que l’on aurait tendance à nommer performeuse plus que danseuse explore son corps. Que représente-t-il ? En surjouant les représentations sensuelles du corps féminin, Nadia Beugré les ridiculise. Son enveloppe elle-même est remise en question, glissant de la robe à paillette assortie de ses talons aiguilles à une tenue de bouteilles plastiques, une sorte de tutu-poubelle de danseuse classique.
[U]ne esthétique brute.
La quête se poursuit : le corps se déforme, est jeté en tous sens, tombe violemment. Enchaîné dans un câble de micro, il se débat, sauvage, laissant la place à une esthétique brute. D’abord solitaire, le corps ne fait bientôt plus qu’un avec les déchets qui l’entourent, comme si finalement il n’avait été toujours que cela, un déchet, même au temps de sa sensualité provocante.
Créé en 2009, Quartiers libres est une manifestation de la colère de la chorégraphe. La Côte d’Ivoire se déchire tandis que Nadia Beugré en est absente et se perfectionne à l’école des Sables au Sénégal : sa réaction prend la forme de ce solo aux formes multiples et violentes. Pourtant, la forme de son spectacle n’est pas figée, et elle réactualise chaque soir ses instants de « quartiers libres« , balisés par une dramaturgie qui, elle, ne change pas.
On pourrait craindre que le plongeon dans ce monde de Nadia soit osé. Mais elle captive et maîtrise le rythme avec brio, se suspendant au souffle de chaque spectateur, pour s’assurer qu’il rentre avec elle dans la danse.