Roméo et Juliette sous le regard augmenté de Benjamin Millepied
En collaboration avec le L.A. Dance Project, compagnie qu’il a créée en 2012, Benjamin Millepied revisite le ballet légendaire de Prokofiev, Roméo & Juliette.
Dans cette nouvelle version, le duo est chaque soir interprété par une distribution différente : un homme et une femme, deux hommes, deux femmes. Vendredi soir, les rôles étaient assurés par Daphne Fernberger (Roméo) et Nayomi Van Brunt (Juliette) dont la prestation s’est révélée remarquable de maîtrise, d’aisance et de facilité. Des variations de combinaisons qui s’affirment comme autant de représentation de la passion et de sa brûlure.
Et l’ancien directeur du Ballet de l’Opéra de Paris réussi son pari avec cette relecture du drame de Shakespeare qui se focalise sur une guerre de clans ancrés dans l’aujourd’hui et les soubresauts d’une époque.
Une course effrénée
Ses protagonistes sont donc de jeunes adultes du monde urbain, confrontés à des normes sociales rétrogrades et liberticides. L’intrigue des amants maudits se révèle ici comme une suite de tableaux dont certains sont filmés en direct et projetés sur grand écran, tandis que sur la scène d’un rouge flamboyant, cerclée de faisceaux lumineux, s’orchestre la danse incarnée au premier rang.
La caméra suit aussi les danseurs et danseuses jusque dans les alentours immédiats du théâtre où les scènes de rencontres et de confrontations transitent des coulisses à la salle, du plateau à l’écran, imprimant un rythme et un vécu au plus près du réel et de son emprise.
Pour traduire l’urgence et l’absolutisme des deux amants qui déjouent la rivalité des deux camps, Millepied déploie son vocabulaire inspiré, empreint de fluidité et de sophistication, à l’abri d’une danse aérienne et déliée qui ouvre ou referme l’espace sur fond de passion amoureuse et de course-poursuite.
Une danse virevoltante et sensuelle imprégnée de toute la dimension irréductible et passionnelle inhérente à la dramaturgie, qui voit les corps exacerber l’amour impossible et le désir ardent, la tension et le combat. Où l’intrigue et son emportement tiennent lieu de verbe chorégraphique à la fois ciselé, fiévreux et bondissant.
Les 16 danseurs de la compagnie font magistralement corps avec la musique endiablée aux ruptures de ton, entre âpreté et sensualité, où le final, dans un solo saisissant, parachève son homogénéité, et consacre la mort des deux protagonistes, à jamais réunis pour l’éternité. Bravo !
Dates : du 15 au 25 septembre 2022 – Lieu : La Seine Musicale (Paris)
Chorégraphe : Benjamin Millepied