Théâtre de la Ville jusqu’au 23 novembre 2013
Festival d’automne à Paris
Le Théâtre de la Ville ouvre les festivités consacrées à Robert Wilson dont le travail est à l’honneur avec une déclinaison de propositions artistiques qui passera également par le musée du Louvre (Living Rooms) et le Théâtre du Châtelet ( Einstein on the beach).
Robert Wilson compose une partition parfaite entre son inspiration formaliste (son, image, lumière, gestuelle) et l’univers dadaïste du jeune poète satiriste, précurseur du théâtre de l’absurde.
Avec « The Old Wolman », le grand artiste américain convoque deux monstres sacrés de la scène : le danseur – acteur Mikhail Baryshnikov et l’acteur hollywoodien Willem Dafo. En s’appuyant sur des textes du russe Danill Kharms, persécuté par Staline et mort à 36 ans, il compose une partition parfaite entre son inspiration formaliste (son, image, lumière, gestuelle) et l’univers dadaïste du jeune poète satiriste, précurseur du théâtre de l’absurde à la Ionesco ou Beckett : vertigineux.
En douze tableaux ultraplastiques à la perfection sidérante, on est plongé dans le monde de Kharms aussi imprévisible que loufoque, cauchemardesque que burlesque, mélancolique que poétique où par delà le conte métaphysique/comique, s’interroge malicieusement la condition humaine face à l’incompréhension du monde, la solitude, les espoirs inaccomplis, la mort.
L’action à peine débutée est brutalement interrompue par des incidents qui la font rebondir dans des directions totalement inattendues où les personnages la répète à l’envi et se comportent de façon irrationnelle. Il y est question d’une succession de vieilles dames trop curieuses qui tombent de leur fenêtre, d’une pendule qui donne l’heure sans aiguille, d’un faiseur de miracles qui n’en fait naître aucun, du chiffre 7 qui viendrait après le chiffre 8…
Un monde où toute réalité est inexistante, porteur d’une errance mentale et sensorielle qui en prennent le contre pied.
Sous leur maquillage de fard blanc, deux jumeaux tout droit sortis d’un film muet (Mikhail Baryshnikov/Willem Dafo grandioses) grimés et habillés de costumes noirs qu’une seule mèche de cheveux rebelle (portée par l’un à gauche, l’autre à droite) permet de les différencier, s’emparent de l’espace pour incarner deux êtres virevoltants et angoissés aux allures de Buster Keaton où Robert Wilson théâtralise à merveille entre music hall et poésie pure, en passant par le nô et le cartoon, son esthétique aigue de la scène.
Dans un décor rappelant le surréalisme à la Magritte et sa décomposition, les deux protagonistes, mi anges mi démons, se livrent à un numéro dadaïste de haute voltige, le tout accompagné de bruits furtifs : cris, gloussements, rires tonitruants et d’une bande son aussi inspirée que narrative.
Et l’art protéiforme du maître texan rencontre pleinement l’écriture composite de l’écrivain pour un spectacle total.