« Tom à la ferme », un huis clos sous haute tension

"Tom à la ferme", un huis clos sous haute tension
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« Tom à la ferme », un huis clos sous haute tension

On se souvient de l’adaptation au cinéma par Xavier Dolan en 2013 de cette pièce singulière de Michel Marc Bouchard, centrée autour du mensonge, de la détresse morale et des non-dits qui accompagnent un jeune homosexuel de retour sur les terres de son compagnon.

Après la mort de celui-ci, Tom, se rend à la ferme familiale pour ses funérailles. Il y rencontre sa mère (Agathe), qui ignore tout de l’orientation sexuelle de son fils défunt, et son frère, un homme viril et violent qui insiste pour que Tom cache leur relation à sa mère éplorée.

Tom va donc se taire. Il se laisse définir comme le collègue, le camarade, l’ami, invente un passé au défunt, dont une ex petite amie, donne ainsi le change auprès d’Agathe où s’installe un faux-semblant dont personne pourtant ne semble dupe ! mais aussi et surtout une relation ambiguë avec le frère (Francis) empreinte de violence, de répulsion et d’attraction, de domination et de soumission.

Car Tom voit en Francis son amant décédé et trouve dans sa brutalité la seule violence surpassant la peine qui l’accable. Il voit aussi dans le travail de la ferme la virilité qu’il se reproche de ne pas avoir eue et est en quête de rédemption pour cette mort dont il s’accuse en s’aliénant à Francis et à son emprise malsaine.

Quant à Francis, terriblement seul, il est prêt à tout pour être aimé et a perdu toute forme de raison. Il passe sa vie avec les bêtes, et en est une. Il ne connaît plus les usages, ni les limites possibles – les siennes ou celles des autres. Avec lui, la loi du plus fort, celle de la sauvagerie, donc, est toujours la meilleure.

Un vrai mystère

Entre moments vécus et racontés, un vrai mystère plane sur la pièce où l’écriture du dramaturge est à la fois dense et fluide, dans une langue très directe. Le style est particulier, puisque le héros, au milieu des répliques qu’il adresse aux autres personnages, parle aussi au défunt, cet homme qu’il a aimé et qui n’est plus. Ce système d’adresse qui s’apparente au chaos du personnage, est dans un premier temps perturbant pour le spectateur car on ne sait pas vraiment au début si les autres personnages entendent ou non ces répliques.

Emprise psychologique, confusion des sentiments, mensonges et perversion sont donc à l’œuvre dans ce huis clos sous haute tension où par delà l’immersion dans un deuil impossible, c’est aussi la ruralité qui s’oppose à la ville, le secret à la vérité, la tolérance face à l’homophobie.

La mise en scène sobre de Vincent Marbeau qui joue aussi le personnage de Tom, explore à dessein l’étrangeté de la pièce et donne toute sa place aux rapports de force teintés de solitude, de manque et de tromperies mises à mal.

Et dans cet enfermement psychologique, le jeu des acteurs n’est pas en reste avec une mention spéciale à Thomas Bernier (Francis), impressionnant de rudesse et d’ambiguïté mêlées. Face à lui, Vincent Marbeau dans le rôle de Tom, se montre à la fois ingénu et perdu.

Dates : prolongations jusqu’au 27 mars 2023 tous les lundis à 19h – Lieu : Manufacture des Abbesses (Paris)
 Mise en scène : Vincent Marbeau

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Mise en scène
Jeu des acteurs
Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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