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Top 10 Théâtre 2025 : gestes majeurs, scènes en tension

Top 10 Théâtre 2025 : gestes majeurs, scènes en tension
« Le Passé » adapation et mise en scène Julien Gosselin -© Simon Gosselin

Top 10 Théâtre 2025 : gestes majeurs, scènes en tension

Un palmarès n’a de sens que s’il raconte autre chose que lui-même. Celui-ci dessine une année où le théâtre s’est montré à la hauteur de ses responsabilités : interroger le présent, affronter les héritages, éprouver la scène comme lieu de pensée autant que de sensations.

Dix spectacles, dix gestes donc, mais une même exigence : faire du plateau un espace de friction entre le monde et ceux qui le regardent.

En tête, Julien Gosselin s’impose avec « Le Passé » œuvre monumentale et implacable. Gosselin ne met pas en scène : il explore. Le texte devient matière à excavation, la scène un champ de force où mémoire, violence et politique s’entrechoquent.

Théâtre de la durée, de la saturation, du vertige — « Le Passé » confirme que le directeur de l’Odéon est aujourd’hui l’un des rares à assumer un théâtre total, où la forme n’est jamais décorative mais constitutive de sens et de réflexion.

Il double d’ailleurs sa présence avec « Musée Duras », autre sommet de l’année. Ici, le geste est plus spectral, presque muséal au sens archéologique : fragments, voix, images, silences, musique. Gosselin transforme Duras en paysage mental, et le théâtre en lieu de recueillement ardent, traversé par la littérature et l’intime.

À la deuxième place, « Makbeth le Munstrum Théâtre », porté par Louis Arene et Lionel Lingelser, rappelle que le théâtre est aussi un art du corps transfiguré. Masques, grotesque, animalité : leur travail convoque une esthétique monstrueuse qui agit comme révélateur de nos contradictions contemporaines.

Chez Munstrum Théâtre, le rire est une arme, la déformation un outil critique. Un théâtre profondément politique, sans discours, mais jamais innocent.

Avec « La Séparation », Alain Françon signe un retour magistral à l’essence même de la mise en scène : l’écoute. Françon travaille la langue comme une matière vivante, tendue, fragile.

Son théâtre refuse l’esbroufe et mise sur la précision, la direction d’acteurs, la clarté morale. « La Séparation » impressionne par sa sobriété souveraine : un geste classique au sens noble, d’une modernité silencieuse et redoutable.

Les Chiens de Navarre, fidèles à leur geste iconoclaste, frappent fort avec « I will survive ». Improvisation dirigée, collision des registres, violence ludique : leur théâtre demeure un espace de débordement incontrôlé, où le politique surgit du chaos. Ce n’est pas un théâtre de la démonstration, mais de l’exposition brute — parfois dérangeant, toujours nécessaire.

Avec « La Cage aux folles », Olivier Py réussit un pari délicat : transformer un monument populaire en tragédie chantée de l’exil et du désir. Py révèle la mélancolie et la charge politique enfouies sous le vernis du musical.

Fidèle à son goût pour la parole lyrique et les corps engagés, il fait de la scène un espace de résistance et de célébration.

Sylvain Creuzevault, avec « Pétrole », poursuit son travail d’autopsie des systèmes idéologiques. Théâtre dense, parfois rude, toujours traversé par une colère lucide. Creuzevault ne simplifie rien, ne rassure pas. Il construit des machines scéniques complexes qui obligent le spectateur à rester en alerte, à penser contre lui-même.

Joël Pommerat et « Marius », continue son travail patient de réécriture du patrimoine. Comme toujours chez lui, la clarté formelle cache une grande complexité morale.

Pommerat n’illustre pas Pagnol : il le creuse, le recompose, pour en faire une fable contemporaine sur la filiation, le désir d’ailleurs et l’impossibilité de partir sans se perdre.

Avec « Une Mouette », Elsa Grana offre un Tchekhov débarrassé de tout naturalisme figé. Son geste est d’une grande force : elle écoute aussi les silences, les micro-fractures, les désirs empêchés. Un théâtre de la recomposition et de la fébrilité, où la modernité naît de son affranchissement et de sa transgression des formes.

Enfin, « Portrait de famille », une histoire des Atrides de Jean-François Sivadier clôt ce palmarès comme une synthèse. Tragédie antique et théâtre d’aujourd’hui s’y mêlent dans une même pulsation. Son théâtre, d’une grande générosité, est aussi un théâtre du déséquilibre : les acteurs y sont toujours au bord de quelque chose — d’un rire, d’une chute, d’une révélation.

Sivadier y déploie son art du récit éclaté, de la joie tragique, du collectif. Les Atrides deviennent une famille contemporaine, traversée par les mêmes violences, les mêmes élans, les mêmes impossibilités d’aimer.

Ce top 10 2025 dessine ainsi un théâtre pluriel mais cohérent, où la scène reste un lieu de risque, de pensée et de poésie. Un théâtre qui n’abdique ni la radicalité des formes ni la nécessité du sens. Un théâtre, surtout, qui continue de croire que le plateau peut encore nous regarder en face.

TOP 10 Théâtre 2025 :

1 – Le Passé : adaptation et mise en scène Julien Gosselin

2 – Makbeth : mise en scène Louis Arène

3 – Musée Duras : mise en scène Julien Gosselin

4 – La Séparation : mise en scène Alain Françon

5 – I Will survive : Mise en scène Jean Christophe Meurisse

6 – La Cage au Folles : mise en scène Olivier Py

7 – Pétrole : mise en scène : adaptation et mise en scène Sylvain Creuzevault

8 – Une Mouette : mise en scène Elsa Granat

9 – Marius : mise en scène Joël Pommerat

10 – Portait de famille : Jean-François Sivadier

NOS NOTES ...
Intérêt
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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