Tu mourras à 20 ans est un film aux particularités multiples. 8e film jamais produit au Soudan, il évoque le destin funeste d’un nouveau né destiné à mourir avant ses 20 ans, mais aussi et surtout le contexte ultrareligieux d’un pays plongé dans des croyances proches d’une superstition qui imprègne chaque existence. Le film rappelle un autre long métrage africain sorti en 2014, Timbuktu, avec son récit au plus proche de la réalité. Le film est à découvrir en DVD et VOD le 25 août pour une belle surprise, reflet de la vigueur actuelle du cinéma africain.
Entre clairvoyance et obsurantisme
Le film débute avec une scène qui évoque le poids de la religion sur les habitants et leurs consciences en plein coeur du Soudan contemporain. Une mère de famille médusée assiste à la prophétie du cheikh local, et tous les habitants en sont témoins. Le jeune Muzamil mourra le jour de ses 20 ans et personne ne doute de cette prédiction en forme de prophétie. La mère s’habillera désormais en noir pour porter le deuil à venir de son fils, le père fuit par peur. Le destin dujeune Muzamil est tout tracé jusqu’à son tombeau. Soufre-douleur de ses camarades, il est destiné à l’étude du Coran, devenant très doué dans cette discipline. Le spectateur assiste à l’existence d’un jeune homme de plus en plus crispé alors qu’il se rapproche de ses 20 ans. Le drame a priori inéluctable pour les protagonistes se teinte de doutes et de remises en causes, minimes mais lancinantes. Le regard perdu du jeune Mustafa Shehata remplit tout le film d’une belle dramaturgie. Le scénario de Yousef Ibrahim et Amjad Abu Alala souligne l’inquiétude grandissante du personnage résolu à ne pas subit les avanies d’un destin qui lui échappe. Décidé à ne pas subir, il tente malgré tout de se réaliser, mais il est difficile de briser une malédiction édictée dès les prémices de son avènement. Elevé sur le chemin d’une existence sans péché, le personnage en voit les avantages et surtout les impasses, car la chair est faible et la possibilité d’un amour accompagne son apprentissage de la vie. La rencontre avec un vieux sage blasé féru de cinéma et pourvu d’un matérial hérité des anciens occupants anglais finit de faire jaillir le doute dans l’esprit tourmenté du héros. Le réalisateur Amjad Abu Alala manie autant la sensibilité que le réalisme pour dépeindre l’existence d’un quasi-zombie figé dans un éternel présent destiné à se terminer à une échéance donnée. Le résultat est surprenant pour des spectateurs peu habitués à cette temporalité confinant à la mythologie, hors de toute logique cartésienne.
Entre récit d’apprentissage et fable sociale, Tu mourras à 20 ans ouvre les perspectives et permet une réflexion profonde sur ce qui fait notre vie d’humain sur cette terre, si intense et si fragile à la fois. Auréolé dans de nombreux festivals (Lion du futur meilleur premier film au Festival de Venise 2020, Grand Prix aux Festivals d’Amiens, de Fribourg et de Rabat), Tu mourras à 20 ans s’affirme comme une belle oeuvre du cinéma africain. A noter, le DVD contient en Bonus un entretien avec le réalisateur Amjab Abu Alala.
Synopsis: Soudan, province d’Aljazira, de nos jours. Peu après la naissance de Muzamil, le chef religieux du village prédit qu’il mourra à 20 ans. Le père de l’enfant ne peut supporter le poids de cette malédiction et s’enfuit. Safina élève alors seule son fils, le couvant de toutes ses attentions. Un jour, Muzamil a 19 ans.