Un Cocteau endiablé au Théâtre de l’Atelier
Écrite dix ans après « La Voix humaine », cette pièce de Jean Cocteau semble en répéter les caractéristiques essentielles : une femme délaissée (Romane Bohringer) souffre à en crever de l’absence, des mensonges et du silence de son amant (Tristan Sagon). Dans un dialogue visuel et charnel intense avec la comédienne aussi animale que guerrière, le danseur Tristan Sagon donne corps à ce mutisme et à son emprise.
La scène représente une chambre d’hôtel. Il est tard. Sur le qui-vive, une femme attend et guette impatiemment le retour de son jeune amant. Il arrive. Enfin ! Et… lit son journal sans un mot.
Ici, la chanteuse a pris les airs d’une pop star en tournée internationale dont le texte théâtral est complété de sa version chantée dans une veine pop et rock.
Écrit pour Édith Piaf, rarement repris, « Le Bel indifférent » est une tragédie de l’attente. De l’attente de l’autre, de l’amour de l’autre, inconditionnel jusqu’à la folie ?
Face à ce mur de silence qui s’élève devant elle, son flot de paroles jaloux, inquiet, parfois distant, brûlant, s’envenime, conjure, supplie, se cogne, tout en se chargeant de sentiments contradictoires.
Une femme sous influence
Où le silence et la passivité de son amant la confronte tantôt à son aura, à son mystère, tantôt à la violence, la rage, l’anéantissement, la solitude, le désamour, l’emprise, la peur qui la saisit.
La joute entre les deux amants prend la forme d’un dialogue impossible, où la danse énigmatique, charnelle et incisive du Bel indifférent (dans une partition parfaite du danseur Tristan Sagon) répond à la complainte enivrée, désespérée et sans issue de la protagoniste.
La mise en scène électrisante de Christophe Perton et son dispositif scénique très réussi, qui se transforme en un écran géant projetant des vidéos sous l’impulsion live d’un group de rock, accompagnent de concert les turbulences et la fantasmagorie de cet amour à sens unique.
Progressant sur ce chemin vertigineux, Romane Bohringer est magnifique. D’une sensibilité animale et guerrière, elle irradie la scène de cette vérité humaine à la fois déraisonnable et vivante, emportée et complexe. Bravo !
Dates : du 11 octobre au 12 novembre 2023 – Lieu : Théâtre de l’Atelier (Paris)
Metteur en scène : Christophe Perton
Magnifique chronique !