Un « Don Giovanni » prédateur et cruel, sous le regard clinique d’Ivo van Hove, à (re)voir sur Culturebox
« Don Giovanni » auquel nous avions assisté la saison dernière à l’Opéra Garnier, est à (re)voir sur Culturebox le mardi 02 mars à 21h05.
C’est un « Don Giovanni » cynique et cruel que présente Ivo van Hove. Car dans sa mise en scène, la figure du héros se révèle sans concession, noire, et dénuée de toute empathie. C’est un prédateur qui abuse de son pouvoir sexuel avec Dona Anna, émotionnel avec Dona Elvira et social avec Zerlina (elle étant paysanne et lui nanti).
Il exerce également un pouvoir économique sur son valet Leporello qui, fatigué de ses outrances, veut le quitter mais y renonce en se voyant remettre une somme d’argent.
Dans cette vision tragique de l’œuvre, le rapport à l’autre donne alors toutes les armes à Don Giovanni pour s’affranchir de tous les interdits et manipuler, corps et âmes, des proies sous sa domination et dont la volonté de destruction gangrène l’ordre social.
A la fois désinvolte et glacial, Don Giovanni n’accepte aucune entrave à sa liberté et à son emprise. Les femmes qui lui cèdent ne se relèvent jamais. Il est en route pour les enfers et le fait sans fléchir. La partition de Mozart se fait sombre et immortalise ces âmes perdues. De cet emportement charnel et démoniaque au désespoir terrestre, Don Giovanni franchit toutes les étapes, jusqu’à l’ultime.
Un astre noir
Imposant son art du clair-obscur et son regard clinique, Ivo van Hove scrute sans relâche les ressorts d’un pouvoir prédateur, ô combien dévastateur, où la figure héroïque sévit au cœur d’un agglomérat de béton, offrant un dédale aux protagonistes qui se rencontrent, s’affrontent, se dissimulent et s’échappent.
La lumière crépusculaire et le décor monumental de Jan Versweyveld installent d’entrée un climat oppressant dont le seul échappatoire réside dans les points de fuite et les ouvertures que dessinent un escalier et les terrasses de plusieurs immeubles mitoyens.
Portée par une direction d’acteurs/chanteurs au cordeau où le metteur en scène excelle par leur déplacement et une appropriation de l’espace, l’œuvre se charge dune tension et d’une fuite en avant aussi irrépressible que sans issue.
La subtilité mozartienne est dirigée d’une main d’esthète par Philippe Jordan qui en exprime à la fois toute la dramaturgie et la brillance dans une fluidité parfaite. Etienne Dupuis et Philippe Sly forment un duo convainquant et complice. A leur coté, Jacquelyn Wagner est une fervente Donna Anna tandis que Nicole Car se montre furieusement habitée en Donna Elvira.
J’ai vu la version filmée de don Giovanni.
Retransmission impeccable comme d’habitude avec présentation du metteur en scène et interview de don Giovanni. Superbe soirée pour laquelle néanmoins j’ai regretté l’absence de la traduction habituelle des textes.