Une vision moderne de Marie-Madeleine, entre iconoclasme et féminisme
Le film du réalisateur du récent Lion offre une relecture des derniers jours de Jésus Christ sous l’angle d’une héroïne étonnamment moderne, surtout dans une époque encore obscure et pétrie de superstitions. Marie-Madeleine se soulève contre sa famille simple, les moeurs archaïques et les préjugés de son temps pour suivre un prédicateur qui annonce la venue sur terre du royaume de Dieu. Si le personnage christique interprété par le toujours excellent Joaquin Phoenix révèle une fragilité humaine particulièrement intéressante, la déclinaison filmée de sa vie est comme souvent assez hollywoodienne et contient bien trop d’avanies pour être simplement crédible. Reste une évocation assez originale des derniers jours du Christ.
Une héroïne anachronique et moderne à la fois
Au fur et à mesure de ses rôles, Rooney Mara est devenue l’archétype de la femme en lutte contre les diktats de son temps. Déjà dans Carol, puis dans Le Testament Caché et maintenant dans Marie-Madeleine, elle reprend ses traits doux mais déterminés pour figurer un caractère entier et inflexible. Il lui suffit de ne pas sourire pour apparaître mystérieuse et confondante. Sauf qu’en 33 après Jésus-Christ, il y a fort à parier que la place de la femme était cloisonnée entre 4 murs sous le joug inébranlable d’hommes confrontés aux turpitudes de leur quotidien. Souhaitant avant tout contrecarrer la légende colportée pendant des siècles par l’église évoquant une prostituée transfigurée par le Christ, Garth Davis utilise la beauté éthérée de l’actrice pour en faire une disciple du messie attendu par tout un peuple pour se défaire du joug romain. Renfermée et taiseuse, elle côtoie un être inspirant qui prône avant tout le changement intérieur des êtres humains pour faire leur la parole de Dieu. Aux côtés de l’actrice, un casting aux résonances très francophones donne à Tcheky Karyo, à Denis Ménochet et surtout à Tahar Rahim des rôles clés, surtout pour le dernier transformé en Judas très mystique désireux de voir sa femme et sa fille ressusciter. Une thèse intéressante dans la lignée de celle détaillée dans la version de Scorsese et qui en faisait non pas un traitre pendable mais un ami proche de celui qui allait finir sur la croix à sa propre demande.
Une reconstitution inégale
Pour revenir à Scorsese, il faisait parler en anglais les missionnaires portugais et les notable japonais dans son récent Silence, affaiblissant d’autant la portée de son film. Garth Davis n’a pas retenu la mission et fait parler tout le monde avec la langue de Shakespeare. Est-ce bien raisonnable? Sans parler d’un Joaquin Phoenix bien poupin pour interpréter un personnage qui vient de passer 40 jours dans le désert. Les paysages secs de la Sicile prêtent leurs paysages arides pour évoquer une terre de sécheresse et de dénuement. Les vêtements et décors forment un cadre très pertinent et apportent une touche de véracité bienvenue. Si le film n’évite cependant pas quelques raccourcis à l’occasion, se mettant à porte à faux des écritures à l’occasion, il conserve cet esprit si particulier qui continue à toucher les esprits près de 2000 ans après. Marie-Madeleine a certes perdu de son importance dans la liturgie et si la transformer en féministe avant l’heure peut sembler saugrenu, le personnage touche et interroge, ce qui est déjà important.
Cette version des derniers jours du Christ apporte-t-elle quelque chose aux précédentes versions? En se concentrant sur une personne clé de l’épisode ultime de la vie du Christ, Garth Davis adapte la vie de Marie-Madeleine aux enjeux de notre époque. En femme déterminée voire têtue, elle défend ses convictions.
Marie Madeleine est un portrait authentique et humaniste de l’un des personnages religieux les plus énigmatiques et incompris de l’histoire. Ce biopic biblique raconte l’histoire de Marie, une jeune femme en quête d’un nouveau chemin de vie. Soumise aux mœurs de l’époque, Marie défie les traditions de sa famille pour rejoindre un nouveau mouvement social mené par le charismatique Jésus de Nazareth. Elle trouve rapidement sa place au cœur d’un voyage qui va les conduire à Jérusalem.
Sortie : le 28 mars 2018
Durée : 1h50
Réalisateur : Garth Davis
Avec : Rooney Mara, Joaquin Phoenix, Chiwetel Ejiofor
Genre : Biopic, Historique, Drame