Valérie Lemercier au Théâtre Marigny : anatomie d’un monde en rire majeur
On dit souvent que le comique, c’est la tragédie qui a pris une bonne douche. Chez Valérie Lemercier, c’est plutôt une tragédie qui a mis une robe de bal avant de tirer la langue au monde.
Sur la scène du Théâtre Marigny, l’actrice revient, impériale et délurée, pour jouer à la fois l’orchestre et la partition : un feu d’artifice de personnages, un carnaval des tempéraments, une radioscopie en rires de notre époque qui fou le camp entre vanité, narcissisme et vertige ubuesque.
Elle surgit, sautille et danse, puis se transforme aussitôt en une mosaïque de figures — la fermière perchée, la militante écolo qui s’écoute parler, la gamine trop vive, la bourgeoise sans filtre — tout un peuple miniature, hilarant et inquiétant.
Chez Lemercier, la caricature n’est jamais gratuite : c’est un miroir grossissant de nos travers, un microscope braqué sur les névroses du quotidien et d’une époque.
L’incarnation d’un style : satire, absurdité et portraits burlesques
Son art n’est pas celui du sketch, mais de la mue. Elle change de peau comme d’humeur, glissant d’un personnage à l’autre avec une précision de danseuse et une désinvolture d’enfant.
Sa voix, son corps, son rythme : tout se transforme. Elle ne joue pas des rôles — elle fait éclater le concept même de personnage. À force de métamorphoses, elle devient le chœur dissonant d’un monde qui ne sait plus très bien où il va.
Sa force est celui de l’équilibre instable. Car elle conjugue la distinction du ton et la sauvagerie du propos, la clarté du geste et le vertige de la métamorphose. Le rire, chez elle, n’est jamais un effet : c’est un réflexe vital, une façon d’exorciser la bêtise et les paradoxes humains.
Une désinvolture qui n’a plus rien à prouver, et tout à inventer. Ses personnages sont des éclats de réel, traversés d’angoisses, de désirs, de maladresses. Ce n’est pas du stand-up, c’est une traversée du présent — un portrait collectif qui danse sur le fil du grotesque.
Et c’est là son élégance : derrière les rires, elle convoque quelque chose de profondément humain — cette absurdité tendre qui relie le grotesque à la classe. Lemercier ne juge pas, elle observe. Elle tord la réalité, la polit, la plie en tragi-comique, sans jamais la casser. On rit, mais d’un rire qui gratte un peu, beaucoup et qui bouscule.
Son jeu, tout en vivacité maîtrisée, rappelle que l’humour n’est pas un geste aimable mais un acte d’insoumission. À une époque où le rire doit s’excuser d’exister, Lemercier avance comme une contrebandière : elle charrie une lucidité sous couvert de divertissement. Pas de morale, pas de leçon, juste une formidable énergie qui secoue la torpeur des bons sentiments.
On est happé par cette liberté. Pas celle, bruyante, du provocateur à la mode ; mais celle, rare, d’une artiste qui ose ne pas plaire. Lemercier ne cherche ni l’approbation ni la connivence. Elle rit à côté du public, pas au-dessus. Et c’est précisément pour cela qu’on rit avec elle : parce que tout est vrai, déformé, mais foncièrement vrai.
Dates : jusqu’au 3 janvier 2026 – Lieu : Théâtre de Marigny (Paris)

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