Berthe Weill, l’insoumise de l’avant-garde au musée de l’Orangerie
Elle fut la première à croire en Picasso, Matisse, Modigliani… et la dernière dont on se souvint. L’Orangerie lui rend enfin justice, dans une exposition sensible et lumineuse, où l’ombre d’une femme éclaire un siècle entier d’art moderne.
Paris, 1901. Les galeries du quartier de la Nouvelle Athènes sentent la poussière des conventions. Dans ce monde masculin et compassé, une silhouette discrète s’affaire rue Victor-Massé dans le 9ème arrondissement de Paris : Berthe Weill, fille d’antiquaires modestes, ouvre sa propre galerie. Peu d’argent mais beaucoup d’instinct.
Elle repère le génie là où les autres voient du désordre. Elle expose Picasso, Matisse, Derain, Vlaminck, Suzanne Valadon. Et surtout, elle persiste à défendre ceux que l’époque rejette. « Je vends pour vivre, mais je vis pour montrer », écrira-t-elle plus tard. Toute sa vie tiendra dans cette phrase.
La passion d’une visionnaire
Le parcours du Musée de l’Orangerie retrace avec une grande justesse cette existence tendue entre passion et précarité. Dans les premières salles, un coup d’éclat : « La Mère » (1901) de Pablo Picasso, peinture de la période bleue où une femme serre son enfant dans une étreinte silencieuse.
Un tableau d’une gravité tendre, presque religieuse. C’est l’un des trésors que Berthe Weill eut l’audace de montrer alors que l’Espagne n’avait encore livré qu’un inconnu.
Plus loin, un nu de Modigliani, interdit d’exposition en 1917 pour outrage à la pudeur, rappelle le prix de l’avant-garde. Des œuvres de Kees Van Dongen, Émilie Charmy et Suzanne Valadon complètent cette galerie de visages libres et insolents, que Weill avait réunis avant tout le monde.
On y ressent la tension d’une époque : la beauté brute, l’irrévérence, l’audace féminine dans un Paris encore corseté.
L’exposition ne cherche pas à héroïser Berthe Weill, mais à rendre sa place à celle que l’histoire de l’art a négligée. Loin des grands marchands à l’égo monumental, Weill incarne un autre modèle : celui d’une passeuse.
« Cette vie, je me la suis faite ainsi parce que je l’aime ainsi ; j’y ai trouvé des déceptions, mais aussi, bien des joies et, en dépit de toute entrave, je me suis créé une occupation qui me plaît infiniment et je dois m’estimer heureuse… je le suis ». Berthe Weill, Pan ! dans l’œil…, 1933.
Elle n’a pas fait fortune, mais elle a vu juste, et tôt. Ses archives, ses lettres, ses carnets de comptes exposés ici rappellent qu’elle travailla souvent à perte, par conviction. Ce n’était pas une spéculatrice : c’était une militante de la création.
On ressort ému de cette traversée. Parce qu’on comprend que sans cette femme discrète, l’histoire du modernisme ne serait pas le même. Berthe Weill n’a jamais possédé un empire ni signé de chefs-d’œuvre.
Mais elle a offert aux artistes un espace, un regard, une foi. Et c’est peut-être cela, au fond, la plus belle définition de l’avant-garde : la liberté par dessus tout.
Dates : du 8 octobre 2025 au 26 janvier 2026 – Lieu : Musée de l’Orangerie (Paris)

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