Bob Wilson : le showman de la jungle
Après Peter Pan, l’enfant qui ne voulait pas grandir, c’est le sort du petit d’homme Mowgli imaginé par Rudyard Kipling qui prend corps sur scène dans le temps, l’espace et le vocabulaire si singuliers qui font la signature Wilson.
Mais pas de doute, Le Livre de la jungle est à la main du grand Bob et à son univers formaliste, pour transformer ce conte initiatique de 1894 en une échappée, aussi facétieuse que sensible, poétique que mélancolique, composée d’une suite de tableaux sophistiqués aux couleurs chatoyantes et saturées sur une musique pop/électro.
Les deux sœurs américaines CocoRosie se sont amusées à composer des chansons entêtantes aux nombreuses références et registres musicaux, dont les personnages qui nous sont familiers se parent avec malice : le jeune Mowgli, la panthère Bagheera, l’ours Baloo et même le lion Shere Khan !
On suit les tribulations de Mowgli où son parcours jalonné de rencontres et d’aventures, le confronte à différents mondes et sensations : la nature, les rêves, les souvenirs, les découvertes, les luttes, les déceptions. Le tout comme autant d’expériences qui le mèneront sur la voie de l’émancipation.
Composition parfaite et pièce maîtresse de la scénographie dessinant un à-plat lumineux sur lequel se succèdent différentes tonalités et dont la partition profonde du maître texan aux lumières ciselées, fait naître un nouveau rapport à la dramaturgie, procurant aux décors épurés une emprise visuelle inégalée, tels un ciel immaculé, une colline, ou encore une filet à papillons. Une jungle emprunte donc de mille sensations dont les ressorts rejoignent alors parfaitement l’esthétique wilsonnienne et ses influences expressionnistes, à la fantaisie surréaliste.
Tout un monde
Tout un monde et son trouble électrisés sur la musique endiablée et cadencée de CocoRosie, où la filiation comme la coexistence du bien et du mal, de la noirceur et de la bienveillance, du rejet et de l’adoption, de la mort et de la vie, sont à l’œuvre et somptueusement mis en scène.
Bob Wilson orchestre un show à la perfection hypnotique – entre théâtre d’ombre, music hall et poésie pure – emmené par des comédiens/chanteurs exceptionnels.
Magnétique d’intériorité et de vélocité, aussi gracile que gracieux, Yuming Hey dans le rôle de Mowgli, incarne à la perfection cet esprit joueur et détaché où tout de rouge vêtu et d’innocence sublimée, il nous renvoie à l’enfance et à son pouvoir salvateur.
Dates : du 30 octobre au 20 novembre 2021 – Lieu : Théâtre du Châtelet (Paris)
Metteur en scène : Bob Wilson