Édouard Louis : son père, sa bataille, sur scène

 

Edouard Louis : son père, sa bataille sur scène
Edouard Louis dans la pièce « Qui a tué mon père », mise en scène par Thomas Ostermeier au Théâtre des Abbesses à Paris. Photo : © JEAN-LOUIS FERNANDEZ

Édouard Louis : son père, sa bataille, sur scène

Depuis ses deux premiers romans « En finir avec Eddy Bellegueule » et « Histoire de la violence », Edouard Louis décrypte les mécanismes de domination qui broient les êtres et leurs relations. Thomas Ostermeier qui a déjà monté « Histoire de la violence » avec sa troupe d’acteurs de la Schaubühne à Berlin, poursuit sa collaboration avec Édouard Louis en le mettant en scène dans son propre rôle. Un monologue percutant.

Avec « Qui a tué mon père », qui est l’histoire d’un retour, celui de l’écrivain qui, après des années d’absence, décide de renouer avec son père, Édouard Louis dessine les contradictions d’un homme brisé et revient sur la relation qui les a rendus peu à peu absents l’un à l’autre.

L’écriture égrène les souvenirs d’une enfance difficile et pauvre, habitée par la honte du père qui peine à regarder ce garçon trop efféminé dans un milieu rural et populaire où la virilité répond à des codes bien précis. Le tout ponctué de moments suspendus, d’amour non-dit, d’espoirs déçus, et de fiertés inavouées.

Dans ce récit quasi auto‑biographique, les mots s’attachent aussi à décrire la mort sociale de ce père ouvrier, dont le corps a été détruit par un accident de travail, dont la vie a été consumée par les réformes restreignant les droits des plus démunis, déclinées depuis le milieu des années 1990 par les dirigeants successifs de notre pays. « La violence dont je parle n’est pas abstraite, explique le jeune écrivain, elle s’incarne dans la politique et dans les femmes et hommes qui la font ».

Avec ce texte brûlant au carrefour de l’intime et du politique, l’écrivain s’engage dans ce qu’il nomme une « littérature de la confrontation« . Qui sont les gens que l’on appelle « les classes populaires » et que les hommes et femmes politiques méprisent avec un tel cynisme?

La figure du père mal aimant écrasé par la violence sociale et privé de parole s’inscrit avant tout dans une histoire sociétale et aliénante que dénonce avec force Édouard Louis, laquelle renvoie à un système politique qui met à mal les hommes qui n’y ont pas leur place.

Thomas Ostermeier accompagne d’une main de maître ce réquisitoire coup de poing où en trois lieux de la scène, l’auteur acteur s’adresse implacablement à chacun de nous où sur fond d’images vidéo défilent des paysages désertés, filmés dans une belle lumière grise.

Édouard Louis est d’une justesse confondante avec des flash-back affolants. On le voit danser notamment sur les succès mondiaux de son enfance, « Barbie Girl » d’Aqua et « Baby One More Time » de Britney Spears en passant par la chanson du Titanic, le renvoyant enfant quand il voulait attirer le regard de ce père façonné par une certaine idée de la masculinité. Ou encore endosser un costume de super héros et épingler à l’instar d’un tableau de chasse, le portrait des figures politiques dont l’action a aggravé la situation des plus démunis. Les photos de Chirac, Sarkozy, Hollande, El Khomri, Macron sont alors suspendues à un fil et fustigées sous une pluie de pétards ! Bravo.

Dates : du 9 au 26 septembre 2020 – Lieu : Théâtre de la Ville Les Abbesses (Paris)
Metteur en scène : Thomas Ostermeier

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Mise en scène
Jeu de l'acteur
Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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