« I will survive » : rire nerveux et malaise garanti
Avec « I will survive », Les Chiens de Navarre rappellent une vérité simple : quand la réalité devient trop absurde pour être racontée, il ne reste plus qu’à l’exagérer pour qu’elle redevienne audible.
Jean-Christophe Meurisse l’a bien compris : l’outrance n’est pas une facilité, mais un outil — une loupe déformante pour mieux scruter les recoins les plus gênants de la société française. Et c’est justement parce qu’il observe si finement qu’il grossit si fort.
« I will survive » ne déroge donc pas à la règle : c’est un spectacle qui cogne, qui frotte, qui râpe, et qui cherche moins à convaincre qu’à provoquer une déflagration morale. On reconnaît là le geste très Meurisse : transformer le plateau en laboratoire d’observation sociales où les comédiens improvisent avec une gourmandise de charognards.
Le spectacle s’articule autour de deux trajectoires : celle, tragique, de Cécile Gallot, jugée pour avoir abattu un mari devenu tortionnaire intime ; et celle, pathétique, de Didier Moreau, humoriste lessivé par une blague lamentable et un flot de critiques disproportionné.
Deux existences que rien n’unit, sinon une justice déboussolée, jetée en pâture à ses propres contradictions. Cette collision finale n’est pas un gadget dramaturgique : c’est l’illustration précise de la manière dont la machine sociale broie, confond, mélange ce qui ne devrait jamais se comparer.
Un théâtre laboratoire
La mise en scène, elle, fonctionne comme un guet-apens. Meurisse ouvre sur une parodie au vitriol du service public audiovisuel, où animateurs et chroniqueurs semblent coincés dans un brouillard de bienveillance mécanique.
Puis viennent les policiers : excédés, alcoolisés, presque analphabètes, dessinés avec une férocité qui serait gratuite si elle ne puisait pas dans une observation très précise des dysfonctionnements du quotidien.
Ici, le procureur ressemble à un Dark Vador de bureau, terrifiant parce qu’il est ridicule — et ridicule parce qu’il détient un pouvoir réel. Tout le théâtre de Meurisse repose sur cette mécanique paradoxale : faire rire pour mieux révéler l’effroi.
Les comédiens, fidèles à leur esthétique, improvisent avec une précision de funambules. Ils circulent dans le chaos comme dans un terrain d’expériences : ils testent, dérapent, osent trop, volontairement, parce que trop est parfois la seule manière d’atteindre juste.
Et on rit parce que c’est absurde ; on cesse de rire lorsque cela dit quelque chose d’amer sur la morale contemporaine, sur la manière dont on juge, dont on absout, dont on conspue
Des esprits chagrins reprocheront encore au collectif sa lourdeur, ses caricatures, sa volonté martelée de prendre tout le monde de front — flics, médias, politiques, détenus, citoyens ordinaires. Mais c’est mal comprendre la démarche : cette outrance n’est pas un choix décoratif, c’est un acte politique.
Elle redonne du relief à un paysage moral aplati par la répétition médiatique et le vacarme des indignations instantanées. Chez Meurisse, l’excès sert à remettre du contour, à forcer le regard, à rappeler que le grotesque est parfois la seule forme vraiment fidèle de la réalité.
Parce qu’au fond, « I will survive » ne cherche pas à provoquer pour provoquer. Il cherche à observer, puis à traduire ces observations dans un langage théâtral capable de rivaliser avec la brutalité du monde. La violence est là, dans les faits.
Le spectacle ne fait que la mettre en lumière — en plus fort, en plus laid, en plus drôle parfois, mais surtout en plus vrai. Et c’est peut-être pour cela qu’on en sort un peu sonné : ce n’est pas l’outrance qui bouscule, mais la part de réel qu’elle révèle.
Dates : du 4 au 13 décembre 2025 – Lieu : La Villette (Paris)
Mise en scène : Jean-Christophe Meurisse
Tournée :
– Du 4 au 13 décembre 2025 à La Villette, Paris
– Du 8 au 14 janvier 2026 à la MAC Créteil
– Les 22 et 23 janvier 2026 à L’Onde, Vélizy-Villacoublay
– Les 30 et 31 janvier 2026 aux Bords de Scènes, Juvisy
– Du 4 au 6 février 2026 à la MC2, Grenoble
– Du 26 au 28 février 2026 au Carré-Colonnes, Saint-Médard-en-Jalles
– Les 13 et 14 mars 2026 au Palais des Beaux Arts, Charleroi
– Les 18 et 19 mars 2026 à Mars, Mons
– Du 27 au 1er avril 2026 au Théâtre Liberté, Toulon
– Les 10 et 11 avril 2026 au Théâtre des Salins, Martigues
– Les 22 et 23 avril 2026 au Château Rouge, Annemasse
– Les 6 et 7 mai 2026 à l’Espace des Arts, Chalon-sur-Saône
– Les 20 et 21 mai 2026 au Manège, Maubeuge
– Du 29 mai au 27 juin 2026 au Théâtre des Bouffes du Nord, Paris

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