Les nouveaux murs de la Fondation Cartier : là où l’art devient territoire

À deux pas du Louvre, la Fondation Cartier pour l’art contemporain ouvre un nouveau chapitre de son histoire. Le bâtiment signé Jean Nouvel, tout en transparence, accueille l’Exposition Générale, un manifeste poétique où art, science et mémoire se répondent. C’est un vaisseau de verre posé au cœur du Palais-Royal, à la fois aérien et tellurique. Jean Nouvel y rejoue sa grammaire de la lumière : parois translucides, reflets changeants, respiration maîtrisée. Le bâtiment n’impose rien — il accueille, il s’efface, il laisse le monde entrer. Le visiteur avance dans un flux continu, traversé par les ombres des arbres, le murmure de la ville, la rumeur du temps.
Jean Nouvel / ADAGP, Paris, 2025 – Photo Martin Argyroglo

Les nouveaux murs de la Fondation Cartier : là où l’art devient territoire

À deux pas du Louvre, la Fondation Cartier pour l’art contemporain ouvre un nouveau chapitre de son histoire. Le bâtiment signé Jean Nouvel, tout en transparence, accueille l’Exposition Générale, un manifeste poétique où art, science et mémoire se répondent.

C’est un vaisseau de verre posé au cœur du Palais-Royal, à la fois aérien et tellurique. Jean Nouvel y rejoue sa grammaire de la lumière : parois translucides, reflets changeants, respiration maîtrisée. Le bâtiment n’impose rien — il accueille, il s’efface, il laisse le monde entrer. Le visiteur avance dans un flux continu, traversé par les ombres des arbres, le murmure de la ville, la rumeur du temps.

L’architecte tisse ici un pont entre l’héritage haussmannien et une audace muséale résolument contemporaine. Des plateformes mobiles, des passerelles, des volumes variables : la scénographie elle-même devient actrice du propos

Sous le titre « Exposition Générale », la Fondation orchestre une traversée de l’époque : un panorama du sensible à l’âge des flux. Les œuvres ne se répondent pas — elles cohabitent, comme dans un écosystème en équilibre.

La visite s’ouvre sur Diller Scofidio + Renfro & collaborateurs, et leur installation monumentale EXIT (2008–2025) : une projection circulaire de données mondiales — migrations, ressources, climat — où la cartographie devient vertige. Là, la statistique se fait image, la science devient récit : un monde saturé d’informations, mais vidé de présence.

Un peu plus loin, Sarah Sze renverse la gravité avec ses microcosmes suspendus — constellations d’objets, de fragments, d’écrans minuscules.

Une exposition-monde 

Chaque faisceau de lumière y devient un souvenir , chaque ombre, une particule de pensée. L’artiste new-yorkaise donne ici une matérialité à la dispersion du monde contemporain. Dans la salle suivante, James Turrell dépose une bulle de silence : un Skyspace reformulé pour le lieu, chambre de lumière où le spectateur se fond dans le ciel. Une œuvre qui ne se regarde pas — elle s’éprouve, entre concentration et disparition.

Face à elle, les architectures de papier de Junya Ishigami offrent l’exact contraire : la fragilité du geste, l’éphémère des structures, la beauté des matériaux pauvres. Puis viennent les sculptures en verre et acier d’Agnès Denes, cartographies géométriques de l’écologie et de la raison. Une présence sobre, presque utopique, qui rappelle que la pensée conceptuelle peut encore être poétique.

Et soudain, tout se calme. Au détour d’une passerelle suspendue, un océan de couleur : Dibirdibi Country (2008) de Sally Gabori, 300 × 500 cm d’acrylique pur, posé dans la lumière nord-ouest comme une nappe de mer intérieure. Les couleurs s’y imposent sans repère, comme les strates d’une mémoire liquide.

Née sur Bentinck Island, femme du peuple Kaiadilt, Gabori a commencé à peindre à plus de quatre-vingts ans pour recomposer, à la main, le territoire perdu de son enfance. Chaque couleur est une île, chaque geste un retour. Face à EXIT, qui mesure les mouvements du monde, Gabori les habite : elle peint la migration comme un souvenir et non comme un chiffre.

La scénographie signée Formafantasma accentue cette respiration. Les œuvres ne se succèdent pas : elles se répondent par la lumière. Dibirdibi Country flotte dans un halo de verre et d’air, entre les architectures de Nouvel et les projections de données — un point d’équilibre, une halte, un silence.

Parmi les quelque 500 oeuvres présentées dans l’Exposition Générale de la Fondation Cartier, une sélection de 10 ou groupe d’œuvres comme des points d’ancrage et repère de cette traversée.

1. EXIT, Diller Scofidio + Renfro et coll. — la cartographie du réel, entre données et vertige.
2. Timekeeper, Sarah Sze — la mémoire éclatée du monde numérique.
3. Skyspace, James Turrell — une architecture de lumière et de lenteur.
4. Airflow Pavilion, Junya Ishigami — le fragile comme structure.
5. Wheatfield – A Confrontation, Agnès Denes — la nature cultivée au cœur de la raison.
6. Waterfall, Olafur Eliasson — la nature augmentée, poétique et politique.
7. Tree of Codes, Olafur Eliasson et Wayne McGregor — la danse de la matière et du son.
8. Aquatic Language, Tomás Saraceno — le souffle et les réseaux.
9. Dibirdibi Country, Sally Gabori — la mémoire devenue mer.
10. The Living Planet, Formafantasma — design et écologie comme récit.

Ce que réussit la Fondation Cartier réinventée, c’est moins une exposition qu’une cohabitation sensible : la donnée y dialogue avec la lumière, la mémoire avec la technologie, le geste avec l’architecture. On sort avec le sentiment rare d’avoir traversé un espace où tout respire à la même fréquence — le visible, le vivant, le vulnérable. Avec ce nouvel lieu, la Fondation Cartier frappe fort et juste. Sous la verrière du Palais-Royal, le contemporain a retrouvé sa lumière — ni froide, ni théorique, mais profondément humaine.

 Dates : du 25 octobre 2025 au 23 août 2026 – Lieu : Fondation Cartier (Paris)

NOS NOTES ...
Intérêts
Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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