2019, l’année de la beauté tout azimut … et de la relève.
Surprenant classement final que celui-ci exempt de véritables maîtres du jeu comme Martin Scorsese, Quentin Tarantino ou encore Pedro Almodovar, alors que ceux-ci ont délivré de très jolies fictions en 2019. Rarement on aura vu autant d’histoires inspirés à l’heure où tout semble à la suite de la suite, au remake du reboot, à la franchise Comics. Mais, il ne m’en fallait que 10. Comme chaque année. Et encore une fois, mon coeur de cinéphile va vous révéler ci-dessous les films qui m’ont le plus touchés, émus, fait frisonner (beaucoup !) et, en somme, fait adorer encore un peu plus le 7e Art, si cela est possible.
10 – L’heure de la sortie (Sébastien Marnier – France).
Une confirmation que le cinéma français peut nous proposer des choses en majuscules après la réussite de Xavier Legrand et son asphyxiant Jusqu’à la garde l’an dernier. Ici, on retrouve le caméléon Laurent Laffite, prof remplaçant aux prises avec une bande d’élèves surdoués baignant dans une atmosphère étrange à la minéralité très Lynchienne. On se laisse très vite piéger par un récit de faux-semblants à la conclusion étonnante. Brillant.
9 – Le Traitre (Marco Bellocchio – Italie).
Il y avait bien longtemps qu’un grand film dédié à la Mafia n’était pas sorti sur grand écran. L’éternel Marco Bellocchio s’accoquine avec le sémillant Pierfrancesco Favino pour nous narrer l’hallucinant Procès du Siècle dédié à la Pieuvre palermitaine et son légendaire parrain Toto Rina. Passé le défilé de moumoutes, de postures stéréotypés ou encore son ballet d’exécutions convenues, nous nous trouvons face à une œuvre virtuose et inspirée multipliant les scènes déjà cultes, tel l’interrogatoire par hélicoptère interposé suspendu au dessus de la baie de Rio.
8 – Golden Glove (Fatih Akin – Allemagne).
Il est aisé de comprendre le bad buzz qui colle aux chevilles poisseuses de ce film tant il se vautre dans la fange puante, dégueulasse et sans morale de son personnage principal : le fameux Boucher de Hambourg. Rarement un thriller suivant les péripéties d’un serial killer n’aura suscité tant de haut le coeur. Il faut dire que son réalisateur, Fatih Akin, inattendu ici, et son acteur, Jonas Dassler, signent ici une reconstitution méticuleuse et démentielle du quotidien de ces êtres marginaux qui veulent « vivre ». Un choc.
7 – Dolemite is my name (Craig Brewer – USA).
L’éclat de rire de l’année est pour … Eddie Murphy ! 3 décennies plus tard, quasiment sans une ride, il reprend sa légendaire moustache et son regard pétillant pour interpréter un looser magnifique qui veut à tout prix réussir dans l’industrie du spectacle. Et pour parvenir à ses fins, quoi de mieux qu’une réplique déjà culte : « Je m’appelle Dolemite, et pour bai**r ces enf***és, je n’fais pas dans le light ». A coup de situations délirantes, de générosité dans sa retranscription de l’époque et de sa faune, Dolemite fait parti des excellentes surprises de Netflix (pas si nombreuses).
6 – Midsommar (Ari Aster – USA)
2 années de suite présent dans le top 10 … pour ses 2 premiers films ! Quelle promesse que représente Ari Aster pour le cinéma de genre. Ou plutôt le cinéma tout court, tant il semble imprégner de générosité chacune de ses fictions. Ici, une plongée immersive totale lors des célébrations du solstice d’été dans ce qui semble être une secte scandinave. On pense souvent au Wicker man de Robin Hardy pour le WTF total de certaines scènes. Une expérience cinématographique intense.
5 – US (Jordan Peele – USA).
Après le premier choc qu’avait constitué Get out, inutile de vous dire l’impatience que nous avions avant de découvrir US. Sur les thèmes rebattus du double et du home-invasion, Peele nous surprend malgré tout avec un nouveau cauchemar éveillé aux ramifications multiples. Le tout avec un sens de l’esthétisme toujours plus prononcé de Mike Gioulakis, qui est aussi le DP de Shyamalan, et une vraie générosité dans la construction de son récit. La relève est là.
4 – Green Book (Peter Farrelly – USA).
Une belle grosse surprise que de retrouver l’esthète du pipi-caca-sperme dans les cheveux aux commandes de cette somptueuse comédie dramatique que n’aurait pas renié Frank Capra. Certes il s’agit bien d’une sorte de buddy movie, et l’un des plus drôle assortiment qu’on ait vu depuis des lustres, mais ici, tout n’est que classicisme et rhétorique élégante. Il faut dire que le sujet d’être Noir dans les US des années 60 ne se prête pas tout à fait à la rigolade. Le genre d’introspection sur elle-même que l’Amérique sait faire, nous condamnant à perpétuer cette légendaire image d’elle : la terre du possible.
3 – El Reino (Rodrigo Sorogoyen – Espagne).
Oui messieurs, merci bien pour eux, le thriller espagnol se porte comme un charme. Celui que déploie l’exceptionnel Antonio de la Torre dans la peau d’un politicien coincé entre le marteau et l’enclume quand une lourde affaire de corruption éclate au sein de son parti. Après le brillant Que dios nos perdone, le prometteur Rodrigo Sorogoyen opère au scalpel le milieu de la politique de son pays (et des nôtres ?) avec une précision dans l’image et dans les mots assez hallucinantes. Un crescendo jubilatoire jusqu’à l’entretien télévisuel final à couper le souffle.
2 – Parasite (Bong Joon-ho – Corée du Sud).
S’il ne devait rester qu’un cinéma pour illustrer la décennie (voir depuis les années 2000), je choisirai sans hésitation aucune celui de la Corée du Sud. L’hybride parfait pour nous européens entre une occidentalisation assumée et cette folie juste-au-boutiste typiquement asiatique. Cela nous donne cette année une Palme d’Or, et surtout un thriller d’une maitrise sans pareil. Impossible d’évoquer quoique ce soit du scénario pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte aux néophytes. On dira juste que c’est le film de famille parfait.
1 – Les oiseaux de passage (Ciro Guerra & Cristina Gallego – Colombie).
J’ai choisi de placer numéro 1 de ce classement en 2019 une pépite colombienne dans lequel le mot ART pour 7e Art me semble pousser tous les curseurs au maximum. Les oiseaux de passage est un condensé de la vie et de ses tumultes comme on peut en voir souvent sur grand écran. Mais à ce niveau d’engagement esthétique total, jamais. Une musique organique en parfaite symbiose avec des images d’une beauté à couper le souffle. Tellement d’humanité dans le regard de Rapayet, broyé par les turpitudes d’un monde à la limite de d’effondrer.