« Age of rage » : le geste époustouflant de mise en scène d’Ivo van Hove

Ivo Van Hove, le retour !
© Jan Versweyveld

« Age of rage » : le geste époustouflant de mise en scène d’Ivo van Hove

Ivo van Hove, maître incontesté et incontestable d’un théâtre hors norme revient à La Villette et réunit en un seul récit Iphigénie, Les Troyennes, Hécube, Agamemnon, Elektra et Oreste. Et à travers ces tragédies antiques, interroge la mécanique diabolique du pouvoir et son impact sur la radicalisation des sociétés. Après Romeinse Tragedies et Kings of War, « Age of Rage » s’inspire du destin mémoriel des figures majeures de la famille royale des Atrides et nous livre dans un geste puissant autant visuel que théâtral, la destinée sacrificielle de cette famille, frappée par la malédiction et sa répétition. Un choc.

Une mise en scène époustouflante et percutante 

Dans des scènes crues et des couleurs vives, l’inexorable déclin des Atrides se déploie sur fond de guerre de Troie. Provoquée par l’orgueilleux Tantale, qui nargue les dieux en leur servant son propre enfant comme repas, une malédiction éternelle le frappe en représailles ainsi que toute sa progéniture, et lance une chaîne insensée de meurtres et de vengeances. Les atrocités commises dans « Age of Rage » trouvent leur légitimité dans une guerre, une réparation, une vengeance. Dès lors la violence se trouve monopolisée par celles et ceux qui détiennent le pouvoir : reines, rois, généraux, membres de familles haut placées en quête de justice. En utilisant la violence, ils gagnent ou conservent leur puissance.

Les meurtres planifiés et exécutés révèlent les mécanismes du ressentiment et de la marginalisation qui pousse à la radicalisation : l’incapacité à se faire entendre, l’émergence d’une vision étroite, la culture de la victimisation, l’appel à des pouvoirs et à des idéaux supérieurs, la disparition de toute voix dissidente, la conviction que la violence est le seul moyen de transformer le monde en mieux, comme un objectif supérieur et légitime.

Une énergie rock infernale

Dans une mise en scène époustouflante et cinématographique, Ivo van Hove frappe fort. Il met au centre de l’action les damnés de la tragédie grecque en quête éperdue de reconnaissance qui affrontent alors sans relâche l’anéantissement d’une humanité tout entière. La troupe s’empare avec frénésie du jeu de massacre, à l’abri de séquences littéralement chorégraphiées et aux prises entre le déchainement et la fureur. Le tout porté par une énergie rock infernale, puisqu’une musique jouée en live par le groupe Bl!ndman accompagne de concert la descente aux enfers.

En revisitant la tragédie, Ivo van Hove façonne à l’abri d’une fluidité de jeu, une traversée jalonnée de vengeance originel et confrontée à ses démons qui touchent et détruisent plusieurs générations successives, marquées au fer rouge par de nombreux renversements. Où la malédiction et la défiance qui les frappent font surgir sur la plateau des tableaux qui imprègnent pour longtemps les esprits.

Si « Age of Rage » donne à voir le destin inéluctable de la cité et de ses lignées fondatrices après de longues années de guerre, c’est aussi une vision de notre monde et de ses mécanismes de violence qui excluent et bannissent des hommes et/ou des communautés. Car confrontés à une volonté d’émancipation d’un peuple, d’un cercle, les dirigeants préfèrent l’affrontement à la concertation prisonniers d’enjeux de pouvoir et de desseins hégémoniques.

Ivo van Hove signe là une fresque monstre, haletante et foisonnante.

Dates : du 27 novembre au 2 décembre 2021 (durée 3h45) – Lieu : La Villette (Paris)
Mise en scène : Ivo Van Hove

NOS NOTES ...
Intérêt
Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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