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Amaury Jacquet

Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.

Catherine Hiegel souveraine et désopilante dans Les Règles du savoir-vivre

Les "règles du savoir-vivre dans la société moderne" est une pièce de Jean-Luc Lagarce l’un des auteurs français les plus importants de la fin du 20e siècle, et l’un des plus joués en France. Il s’agit d’un monologue qui s’appuie sur la réécriture d’un manuel de bonnes conduites de la Baronne Staffe, née en réalité Blanche Soyer et de condition modeste, paru en 1889. Le propos consiste à édicter à destination des aristocrates et grands bourgeois du XIXe siècle, à partir des grands moments de l’existence (naissance, fiançailles, mariage, veuvage) la conduite à tenir et que Lagarce d’un regard corrosif, taille au scalpel pour mieux en faire ressortir toute la parodie sous-jacente.

« Le Sacre du Printemps » en majesté à la Villette

La reprise du "Sacre du Printemps", morceau d’anthologie de Pina Bausch (1975) est toujours un évènement. Sous la direction artistique de Josephine Ann Endicott, Jorge Puerta Armenta et Clémentine Deluy, danseurs de longue date du Tanztheater Wuppertal, 30 danseurs de 14 pays africains s’approprient magistralement "Le Sacre" légendaire sur la partition de Stravinsky, chef-d’œuvre pionnier de l’histoire musicale.

Roméo et Juliette sous le regard augmenté de Benjamin Millepied

Dans cette nouvelle version, le duo est chaque soir interprété par une distribution différente : un homme et une femme, deux hommes, deux femmes. Vendredi soir les rôles étaient assurés par Daphne Fernberger (Roméo) et Nayomi Van Brunt (Juliette) dont la prestation s’est révélée remarquable de maîtrise et de facilité. Des variations de combinaisons qui s’affirment comme autant de représentation de la passion et de sa brûlure. Et l’ancien directeur du Ballet de l’Opéra de Paris réussi son pari avec cette relecture du drame de Shakespeare qui se focalise sur une guerre de clans ancrés dans l’aujourd’hui.

Joseph Drouet, phénix dans « Le Marteau et la Faucille » 

Quand un metteur en scène surdoué, amateur de défis théâtraux découvre un auteur visionnaire, on obtient des spectacles hors norme. Julien Gosselin, scénographe et metteur en scène, puise son inspiration dans la littérature contemporaine qui raconte, selon lui, tout ce qui saborde notre civilisation. Ecrit en réaction à la crise financière de 2008, « Le Marteau et la faucille » pointe ses délinquants en cols blancs qui ne sont que les avatars d’un monde parfaitement amoral et hautement criminogène. Et c’est là toute la force de la démonstration, qui cite à propos « Le marteau et la faucille » en hommage à tous les travailleurs « niqués » autant qu’aux élites laminées par le système.

Romane Bohringer, la magnifique dans les mots d’Annie Ernaux, à Avignon

Annie Ernaux raconte dans "L’occupation" (publié en 2002 aux éditions Gallimard) comment, après avoir rompu avec W. mais continuant de le revoir régulièrement, elle a sombré dans une jalousie maladive lorsqu'il lui a annoncé qu'il allait vivre avec une autre. Une descente aux enfers qui fait vaciller sa raison, mobilise son énergie, et obnubile sa pensée.

“Dieu habite Düsseldorf”, la comédie piquante de Sébastien Thiéry à Avignon

Renaud Danner et Eric Verdun mettent en scène et interprètent avec brio les sept sketches incisifs et sortis de nulle part qui composent la traversée dadaïste et désopilante de Sébastien Thiéry.  Un as en la matière qui n’a pas son pareil pour démasquer et se moquer avec la perfidie qu’on lui connait, de la folie d’une époque, toujours plus déréglée et désincarnée - dont les deux personnages, complètement inadaptés à la vie, en se confrontant jusqu’ à l’absurde à des situations ubuesques - en sont la pathétique et dérisoire incarnation.

« Derniers remords avant l’oubli », le théâtre écrit et universel de Jean-Luc Lagarce 

a notoriété de Jean-Luc Lagarce, metteur en scène et dramaturge, mort prématurément du SIDA à l’âge de 38 ans en 1995, n’a cessé d’augmenter depuis sa disparition. S’il n’a pas été reconnu de son vivant comme un auteur important, c’est que son langage théâtral était trop en avance, trop en décalage sur son époque. Aujourd’hui, c’est un auteur majeur dont la langue singulière, qui creuse en profondeur, l’identifie immédiatement. Une forme stylistique faite de variations et de répétitions où la parole qui bute, trébuche, se reprend, sacralise à elle seule la dramaturgie à travers un dialogue ressassant, qui porte à son paroxysme la difficulté à être et à dire. « Derniers remords avant l’oubli » met en scène un trio qui s’est aimé dans les années 70 avant de se séparer.

« Shazam », le patchwork très accompli de Philippe Decouflé

Philippe Decouflé revient avec une pièce emblématique de son répertoire qui a marqué l’histoire de la compagnie. "Shazam" – abracadabra en anglais – est un précipité chorégraphique et visuel qui convoque sur une musique interprétée en live, tous les arts : mime, danse, magie, cirque, théâtre, et cinéma. Décomposé en 18 tableaux, on assiste à un ballet/cabaret hypnotique et burlesque où les séquences dansés, les illusions optiques et les jeux de miroirs s’enchainent à l’envi et avec brio.

Notre Sélection

Isabelle Carré, une « Serva amorosa » en majesté

Catherine Hiegel s’empare avec le talent qu’on lui connait, d’un grand rôle féminin en confiant à Isabelle Carré (exceptionnelle) le personnage de « La Serva amorosa », une femme libre et indépendante avant l’heure imaginée par Goldoni. Une femme stratège aussi qui, en usant de toutes les ruses, rétablira son maître, injustement déshérité, dans la place sociale qui lui revient. A travers cette farce mais pas que, Goldoni inverse le rapport de domination entre maîtres et valets. Il dessine des personnages à la fois inspirés de la commedia dell’arte mais aussi profondément humains, inspirés de l’observation de ses contemporains.