Jackie : les confessions d’une femme de président assassiné
Qu’en est-il du passé ? Pablo Larrain s’attache à nous en remémorer quelques bribes par ses films. Comme si nous ne regardions plus que nos pieds et qu’il fallait l’art pour nous retourner sur l’histoire. Après Neruda, le poète, l’artiste, c’est Jackie (Jacqueline Kennedy) qu’il fait sortir de terre à un mois d’intervalle. Tous deux des biopics certes, mais cette fois-ci la recette est différente. Une première dame fait rarement l’histoire, elle l’accompagne, enfile ses habits ou la subie. Justement, Jackie était-elle un pion ou le maître du jeu ? Qui est-elle vraiment ? En se basant sur les journées qui suivirent la mort de son mari, le président Kennedy, Pablo Larraín essaie d’y apporter une réponse.
Jackie : un portrait mais pas de mise en valeur
Jacqueline alias Jackie, femme-poupée, première dame exemplaire. L’histoire a gommé ses défauts, ses paradoxes. Pablo Larraín, en bon agitateur du 7ème art, a cherché à réaliser un portrait plus juste, plus minutieux et plus ambigu. Moins valorisant également mais la quête de sincérité ne s’accable pas de ce genre de détails.
Les Etats-Unis l’aimaient, ils l’ont porté aux nues après la mort de son mari. Jackie essayant de retenir les morceaux de cervelle s’échappant du crâne déchiqueté du président Kennedy. Jackie gardant son tailleur rose taché du sang de son mari pour que le monde entier voit ce qu’on lui a fait. Ou encore, Jackie avec ses enfants descendant dignement les marches de la cathédrale derrière le cercueil de l’illustre mort… Elle était belle, digne et courageuse. Voilà ce qu’on en retiendra grâce aux images capturées par les médias de l’époque. Mais ce n’est que la légende.
Pablo Larraín en dresse un portrait beaucoup plus mitigé. Le portrait d’une femme cynique, désillusionnée, dure et perdue en même temps. Il y a de l’ambiguïté et des ténèbres chez Jackie. Elle a plusieurs visages et c’est celui qui est resté dans l’ombre de son intimité que le réalisateur nous donne à voir.
Jackie : la confession d’une première dame très secrète
La protagoniste, Jacqueline Kennedy, est construite avec rigueur à partir de données historiques. Ainsi, des détails d’allure anecdotique se révèlent être des éclairages sur sa personnalité complexe. Oui, Jackie parlait quatre langues dont l’espagnol. Oui, elle aimait l’argent et les belles choses tandis que son mari était économe voire radin. Oui, elle était proche de son beau-frère tandis que le reste de sa belle-famille ne l’appréciait guère…Tout cela est subtilement mis en image. Grâce à tous ces éléments de personnalité concrets, le réalisateur tisse son film. C’est à partir de cette base concrète qu’il bascule dans le fictif.
Et forcément, c’est toujours un peu dangereux. S’il se trompe, il refait l’histoire. Les téléspectateurs y croiront puisqu’ils connaissent rarement la vraie en détail. Faire un biopic, c’est un peu se prendre pour Dieu : on recrée des hommes selon l’image qu’on s’en fait en essayant de s’approcher de la vérité.
Jackie, d’ailleurs, n’est pas un biopic conventionnel. Davantage une confession. Ce n’est pas une visite guidée de la vie de la première dame mais plutôt une plongée dans son être. Sa personnalité, ses sentiments, ses tourments… C’est la femme qu’il va chercher sous la première dame, l’humain sous le costume.
Mais que le public ne s’attende pas à avoir des étoiles dans les yeux. Pablo Larraín délaisse les lieus communs de l’histoire de Jackie pour leur préférer ses paradoxes. Le résultat n’est pas du tout tire-larmes alors que cela aurait été si facile. Et les téléspectateurs à coup sûr auraient aimé. Raté.
Jackie n’a pas tout réussi dans sa vie, le film non plus
Les gros plans se suivent et se ressemblent, encore et encore. Ils servent à forcer l’intimité de la First Lady comme s’il n’y avait que sur son visage que l’on pouvait lire sa vérité, ses pensées, sa douleur. Pourtant, il est bien difficile d’y deviner son état d’âme à tel point qu’on finit par ne plus comprendre l’utilité de tant de gros plans. Natalie Portman délivre une belle prestation mais trop subtile. Jackie était secrète, ce film ne nous donne pas la clé, juste quelques indices.
Jackie a un autre vice plus grave : on s’ennuie. Jackie en gros plans, sur le sol du bureau ovale, sur son lit en peignoir, dans son lit sans peignoir… Elle pense et elle attend, parfois elle agit c’est vrai. L’absence d’actions n’est pas un défaut puisqu’il s’agit d’une confession mais l’absence de rythme et les nœuds indémêlables de sa personnalité laissent perplexe.
Le fond, les propos du film sont intelligents mais la forme peine. Et sans forme, l’œuvre est moins plaisante.
En salle le 1er février.
22 Novembre 196
3 : John F. Kennedy, 35ème président des États-Unis, vient d’être assassiné à Dallas. Confrontée à la violence de son deuil, sa veuve, Jacqueline Bouvier Kennedy, First Lady admirée pour son élégance et sa culture, tente d’en surmonter le traumatisme, décidée à mettre en lumière l’héritage politique du président et à célébrer l’homme qu’il fut.
Sortie : le 01 février 2017
Durée : 1h40
Réalisateur : Pablo Larrain
Avec : Natalie Portman, Peter Sarsgaard, Greta Gerwig
Genre : Biopic, Drame
« Natalie Portman délivre une belle prestation mais trop subtile. Jackie était secrète, ce film ne nous donne pas la clé ». Mon dieu, si tu veux une clé tu peux aller chez le serrurier, mais s’il te plaît, n’essaie pas de rentrer dans la complexité de l’art parce qu’avec tes simples outils t’y arriveras pas.
Sérieux mais classique, touchant mais distant, ce Jackie captive sans forcément enthousiasmer. Nathalie incarne la first lady avec art mais il manque de l’âme. Note: 3/5.