© Lucie Jansch
Odéon – Théâtre de l’Europe du 3 octobre au 21 novembre 2014
Bob Wilson qui la saison dernière nous avait emballé avec la comédie musicale “Peter Pan”, la pièce “The Old Woman”et l’opéra le Couronnement de Poppée, revient à l’invitation du Festival d’automne avec « Les Nègres » de Jean Genet.
Un texte déroutant et loufoque où l’écrivain invite le spectateur à observer sa propre représentation face à l’image véhiculée du Noir.
Une revue électrisée sous le regard de Bob Wilson qui dans une ambiance de cabaret se joue des idées reçues
Théâtre dans le théâtre qui consiste à montrer que le nègre n’est rien d’autre qu’un Noir représenté à travers le prisme avilissant du Blanc dont le procédé dramaturgique évolue en permanence dans un jeu de masques et de miroirs où on y voit 14 personnages, dominés et dominants, jouer une tragédie aux allures de grand-messe carnavalesque sur fond de décolonisation.
Des comédiens noirs répètent devant une cour royale judiciaire, interprétée en réalité par des acteurs noirs masqués en Blancs, un spectacle racontant le meurtre d’une blanche. Un peu plus loin se tient le procès instruit par ses pairs d’un traitre noir qui sera réellement condamné et exécuté entrainant une révolte. Parallèlement, on suit aussi le rapprochement entre Village (Gaël Kamilindi magnétique) et Vertu (Kayije Kagamé lumineuse), un couple Noirs dont le désir est d’échapper à la vindicte du regard des blancs et d’assumer son identité.
Ainsi dans cette farce sans cesse rejouée les acteurs noirs et les blancs masqués sont tour à tour eux-mêmes, puis comédiens, puis eux-mêmes à nouveau, mêlant la fiction et la fausse réalité dans un carnaval clownesque et bigarré, ébranlant les spectateurs sur le bien-fondé de leurs certitudes.
En pourfendant le jeu des apparences et son simulacre, Jean Genet dénonce le jugement des hommes fondé sur une fausse impression et construite à partir de préjugés.
Le faux-semblant est la pierre angulaire de la pièce comme de la mise en scène où les Nègres jouent alors à paraître ce qu’ils sont supposés et à être ce qu’ils ne sont pas.
Le travail plastique, stylisé de Bob Wilson, une fois encore très abouti, porte à son paroxysme dans l’artifice et la désinvolture la mascarade ambiante où le dispositif scénique sur différents niveaux, les lumières, les couleurs, le rythme, le jeu millimétré et la musique jazzy, sont créateurs de tableaux acidulés, hypnotiques et dadaïstes.
Une revue électrisée sous le regard de Bob Wilson qui dans une ambiance de cabaret se joue des idées reçues…