Mozart en état de grâce, dans les pas d’Anne Teresa De Keersmaeker
Après les précédentes collaborations entre Anne Teresa De Keersmaeker et le Ballet de l’Opéra de Paris, qui compte désormais à son répertoire inscrit deux de ses spectacles que nous avions chroniqués (Rain et la soirée de répertoire Bartók/Beethoven/Schönberg ), c’est en tant que metteur en scène qu’elle signe cette production de Cosi fan tutte de Mozart avec sa compagnie Rosas, reprise pour cette nouvelle saison.
Elle associe un danseur de la compagnie Rosas à chaque chanteur où cette duplication à partir d’un geste sûr et si particulier, révèle l’essence même de l’œuvre. Et donne à voir la géométrie de la musique porteuse de multiples résonances, corporelles, émotionnelles, qui sont ainsi dansées où s’inscrivent également les non-dits.
Ferrando et Guglielmo sont fiancés à deux sœurs, Dorabella et Fiordiligi. Afin de démontrer à un philosophe que leurs fiancées sont fidèles, ils font semblant de partir à la guerre, puis reviennent déguisés en étrangers où sous ces fausses identités, courtisent les deux femmes. Mais voilà que leur plan déraille : chacun se retrouve à poursuivre la fiancée de l’autre. Les couples d’origine sortiront-ils indemnes de ce jeu de l’amour et de la cruauté ?
Entre énergie et mélancolie
La chorégraphe s’empare avec finesse de cette question qui explore l’appel à la transgression entre ces personnages gouvernés par leur désir. Le tout au diapason de la partition claire-obscure de ce Mozart si proche de Marivaux. Et qui n’a cesse de jouer les funambules entre opera buffo et opera seria, soit entre légèreté et profondeur.
Sur un plateau nu, totalement repeint en blanc, avec seulement de chaque coté des panneaux de plexiglass transparents, Anne Teresa De Keersmaeker scrute entre variation géométrique et dynamique pulsative propres à son style, les jeux de la séduction et du désir.
Le vocabulaire fluide, jamais narratif, colle à la musique dont l’élan, tantôt immobile, tantôt volcanique, transfigure la tension des corps et leur rapprochement.
Une distribution éclatante
Et l’écriture sur le thème du livret sans jamais le surcharger dessine des motifs qui recomposent l’espace d’où les corps interagissent entre énergie et mélancolie.
La distribution d’une belle homogénéité est en osmose parfaite avec les rôles/pas distribués où les voix éclatantes des chanteurs et les lignes harmoniques des danseurs se superposent en binôme (Vannina Santoni/Cynthia Loemij, Angela Brower/Samantha van Wissen, Hera Hyesang Park/Marie Goudot, Josh Lovell/Julien Monty, Gordon Bintner/Michaël Pomero, Paulo Szot/ Savio/Bostjan Antoncic) pour faire corps avec la partition, sa résistance, et son mouvement perpétuel.
Dates : du 10 juin au 9 juillet 2024 – Lieu : Palais Garnier (Paris)
Metteur en scène / chorégraphe : Anne Teresa De Keersmaeker