C’est une BD terriblement nécessaire que proposent les éditions Le Boîte à Bulles. De 1975 à 1979, 2 millions de cambodgiens ont succombé au régime Khmers rouge mis en place par le dictateur sanguinaire Pol Pot. Vann Nath est lui même emprisonné au sinistrement connu camp S-21. Témoin des atrocités commises par des bourreaux qui obéissent sans question ni pitié, il retranscrit dans des tableaux effrayants les crimes commis au nom d’un pouvoir tout puissant qui a requis l’obéissance aveugle de ses sbires pendant 4 longues années.
Au plus profond de l’obéissance aveugle
Le scénario de Matteo Mastragostino n’invente rien, tout a été consigné dans les comptes-rendus de procès qui ont fini par condamner les principaux protagonistes de cette macabre aventure. Paolo Vincenzo Castaldi se base sur les tableaux réalisés par Vann Nath lui-même pour proposer des scènes à la limite du supportable. Tortures, exécutions, mise à mort, les 128 pages enchainent les extrémités pour faire toucher du doigt l’ignominie d’un système qui n’a du son succès qu’à la peur qu’il suscitait chez ses partisans comme chez ses opposants. Le récit montre à quel point la mort était une possibilité omniprésente dans l’esprit de prisonniers enfermés sans aucune explication et soumis à un régime de terreur continue. Le héros Vann Nath n’a du sa survie qu’à ses capacités à peindre le portrait des leaders khmers rouges, avec la peur que le résultats ne soit pas tout à fait à la hauteur des attentes et un châtiment à suivre immédiatement. Mais il survivra pour raconter le quotidien de véritables camps de la mort où l’espoir était impossible pour des être humains rabaissés à la position de quantités négligeables. La BD se termine sur le bilan du régime avec des chiffres vertigineux de cruauté. 20 00 prisonniers au camp S-21, 12 survivants… Le très beau dessin fait penser à des photos sépias avec du Noir et blanc augmentées de touches de gris, de kaki, de marron ou de rouge. De quoi replonger dans une époque pas si lointaine où la cruauté humaine a atteint des sommets.
Vann Nath est une BD témoignage à la force d’évocation peu commune pour ne pas oublier de quoi sont capables des dictateurs seulement obnubilés par la pérennité de leur pouvoir tout puissant en se basant sur les esprits étroits de petites mains seulement désireuses de bien se faire voir, comme Eichmann dans les camps nazis, tel que l’explique Hannah Arendt. Vann Nath est un moment de lecture bouleversant.
Synopsis: En 1978, alors qu’il est encore un tout jeune peintre, Vann Nath est arrêté par les Khmers rouges. Accusé de violation du code moral, il est enfermé à la tristement célèbre prison de Tuol Sleng, plus connue sous le nom de S-21.
Dès lors, la peinture deviendra pour lui synonyme de survie puisqu’il sera réquisitionné, comme bon nombre d’artistes et artisans cambodgiens, afin de mettre son talent au service de la dictature.
À travers ce récit, l’on découvre les racines de l’art de Vann Nath, pour qui peindre est devenu, à sa libération, un devoir de mémoire et d’hommage aux victimes du régime de Pol Pot.
Au-delà de sa portée biographique, cet ouvrage présente le combat mené par le peintre pour que les crimes de ses bourreaux ne demeurent pas inconnus de tous. Un album aussi passionnant que percutant…
Editeur: La Boîte à Bulles
Auteurs: Matteo Mastragostino (Scénario) / Paolo Vincenzo Castaldi (Dessin)
Nombre de pages / Prix: 128 pages / 22 euros