Anéantir de Michel Houellebecq, le destin d’un homme dans le vide de l’existence

Véritable évènement littéraire de ce début d’année 2022, la sortie du 8e roman de Michel Houellebecq a fait beaucoup parlé, dans tous les sens, en bien ou en mal. Outre le temps nécessaire pour venir à bout des 736 pages, l’accumulation de mini-intrigues jamais vraiment finalisées destabilise, comme si l’auteur avait amalgamé plusieurs ouvrages jamais finis pour aboutir à Anéantir. Histoire politique, histoire de famille, histoire personnelle, tous les styles se juxtaposent avec quelques personnages pour créer un semblant de lien et une cohérence de bric et de broc. Pas de sensation de lire un livre qui traversera les âges comme pour Extension du domaine de la lutte en 1994, Plateforme en 2001 ou son grand oeuvre Les Particules élémentaires en 1998, comme si le prix Goncourt reçu en 2010 pour La Carte et le Territoire avait eu raison de la singularité inspirée de Michel Houellebecq.

Une ampleur limitée

Une fois la dernière page tournée, le sentiment qui domine est une sorte de Tout ça pour ça. Les pages réellement profondes existent mais sont rares, une longue litanie de faits et de gestes prédomine, les personnages font des trajets en voiture, ouvrent des bouteilles, entrent dans des pièces, les interactions ne font pas le sel de l’ouvrage. Le livre se lit en quelques jours studieux mais il ne reste aucun sentiment final perturbant ou intrigant. Le buzz autour du personnage du ministre Bruno Juge inspiré de Bruno Lemaire ressemble à plus à une galéjade journalistique plutôt qu’à une réelle plus-value littéraire. Le personnage principal, Paul Raison, a l’apparence de tout haut-fonctionnaire dévoué à la cause de l’état mais la proximité de ses 50 ans le fait gentiment dérailler et s’interroger sur son parcours, ses rencontres, ses amours et ses parents. Assez peu de sexe frontal dans cet ouvrage, peut-être pour la première fois l’auteur préfère l’ellipse à la description chirurgicale des actes, des fantasmes et des positions. Là où Les particules élémentaires ne se refusaient rien, Anéantir ne va pas au bout, et c’est un signe. Car au-delà des nombreuses scènes explicites, Les particules élémentaires était surtout un brillant ouvrage de science-fiction s’interrogeant sur l’avenir de l’homme en révélant son profond ennui et la vacuité de son monde réel, un des 2 frères découvrait la possibilité inouïe de relier tous les humains par des gênes de jumeaux, de quoi abolir les conflits et les guerres. L’adaptation récente du livre au Théâtre de l’Odéon faisait cohabiter grande thèse sociologique et détails graveleux dans un mélange savoureux. Et justement, Anéantir n’offre aucun ajout notable sur la grande étagère des idées lumineuses. Anéantir est souvent malin, il ne se prive pas d’interroger sur le sens de la vie et des priorités de chacun, invoquant les affres répétés de la société déshumanisante, mais sans jamais se hisser bien haut.

La semaine de lecture de l’ouvrage est agréable mais non point inoubliable, tout comme pour Soumission ou Sérotonine, encore que quelques pages de ces 2 ouvrages parvenaient à se hisser bien haut, moments courts mais intenses. Anéantir cache sous son nombre important de pages une chronique contemporaine qui colle à l’actualité, certes sans Covid, mais surtout sans proposition pour s’interroger sur notre avenir.

Synopsis: L’histoire se situe en 2027. Elle est centrée sur le personnage de Paul Raison, conseiller et confident d’un ministre de l’Economie prénommé Bruno (allusion à Bruno Lemaire qui s’est vanté récemment de son amitié avec l’écrivain ?) et fils d’un fonctionnaire de la DGSI.

Editeur: Flammarion

Auteur: Michel Houellebecq

Nombre de pages / Prix: 736 pages / 26 euros

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